Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/548

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mieux employé à réparer les brèches faites par Cromwell aux murailles du château, et à rouvrir les sources de l’abondance et de l’hospitalité, qui, épuisées, pendant le siècle précédent, par les amendes et les confiscations, couraient grand risque alors d’être taries par une insouciante prodigalité. Ailleurs, sous prétexte de regarder le jeu ou d’écouter la musique, les galanteries de ce siècle licencieux occupaient les élégants et les belles, observés cependant de près par les vieilles et les laides, qui se permettaient du moins le plaisir d’épier et peut-être celui de divulguer des intrigues qu’elles ne pouvaient partager.

D’une table à l’autre voltigeait le joyeux monarque, tantôt échangeant un coup d’œil avec une beauté de la cour, ou une plaisanterie avec un courtisan bel-esprit, tantôt battant la mesure en écoutant la musique, parfois perdant, parfois gagnant quelques pièces d’or à la table de jeu qui se trouvait la plus proche ; le plus aimable des voluptueux, le plus enjoué et le meilleur des compagnons, l’homme qui, de tout l’univers, aurait le mieux rempli son rôle, si la vie n’eût été qu’un banquet continuel ; s’il ne se fût agi que de jouir du présent, et de passer le temps aussi agréablement que possible.

Mais les rois sont moins que personne exempts du sort ordinaire de l’humanité, et Seged l’Éthiopien n’est pas le seul monarque qui ait pu reconnaître combien il est impossible de compter sur un jour, sur une heure de parfaite sérénité. Un huissier de la cour vint tout à coup dire à Leurs Majestés qu’une dame, qui ne voulait se faire annoncer que sous le titre de pairesse d’Angleterre, demandait à être admise en leur présence.

La reine répliqua vivement que c’était impossible ; qu’aucune pairesse ne pouvait jouir du privilège de son rang sans décliner son nom.

« Je parierais, dit un courtisan, que c’est quelque nouveau caprice de la duchesse de Newcastle. »

L’huissier qui avait apporté le message dit qu’il croyait bien que c’était la duchesse, tant à cause de la singularité d’une telle prétention, que de l’accent un peu étranger de cette dame.

« Au nom de la folie donc, dit le roi, laissons-la entrer. Sa Grâce est, de sa personne, une vraie pièce curieuse, une véritable mascarade, une espèce d’hôpital de Bedlam en petit, et toutes ses idées sont celles de maniaques infatués de l’amour et de la littérature, qui, dans leurs extravagances, ne songent qu’à Minerve,