Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/532

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un joyeux enfant attache une ficelle, pour ramener à terre, quand bon lui semble, le pauvre petit qui se débat vainement. Sachez donc, puisque vous voulez jouer ce rôle cruel, et me faire descendre de contemplations plus hautes, que celle aux mains de qui j’ai confié Alice, et qui a désormais plein pouvoir de diriger sa conduite et de décider de son destin, en dépit de Christian et de tout autre, est… je ne vous dirai pas qui elle est ; et vous moins que personne ne devez craindre pour la sûreté de ma fille. »

En ce moment, une porte latérale s’ouvrit, et Christian lui-même entra dans l’appartement. Il tressaillit et rougit en voyant Julien Peveril ; puis se tournant vers Bridgenorth avec un air d’indifférence affectée, il lui demanda : « Saül est-il parmi les prophètes ? un Peveril est-il parmi les saints ? — Non, mon frère, répliqua Bridgenorth, son temps n’est pas plus arrivé que le tien ; tu es trop enfoncé dans tes ambitieuses intrigues de l’âge mûr, et lui dans les passions orageuses de la jeunesse, pour entendre la voix calme qui vous appelle tous deux. Mais vous l’entendrez, je l’espère du moins, et je le demande au ciel. — Monsieur Ganlesse, ou Christian, ou de quelque nom qu’il vous plaise d’être appelé, dit Julien, quels que soient les motifs qui vous guident dans cette périlleuse affaire, vous, du moins, vous n’êtes pas conduit par l’idée que l’ordre immédiat du ciel vous commande d’en venir contre l’État à des hostilités ouvertes. Laissant donc de côté, pour le moment, tous les sujets de discussion que nous pouvons avoir ensemble, je vous conjure, comme homme de bon sens et de jugement, de vous joindre à moi pour dissuader monsieur Bridgenorth de la fatale entreprise qu’il médite actuellement. — Jeune homme, » répliqua Christian avec beaucoup de calme, « quand nous nous rencontrâmes dans l’Ouest, je voulus me faire de vous un ami ; mais vous rejetâtes mes avances. Vous pouviez pourtant, même alors, m’avoir assez vu pour être persuadé que je n’étais pas capable de me lancer trop témérairement dans une entreprise désespérée. Quant à celle qui nous occupe maintenant, mon frère Bridgenorth y apporte la simplicité, sinon l’innocence, d’une colombe ; et moi, j’y mets la subtilité du serpent. Il a la conduite des saints qui sont inspirés par l’esprit ; et je puis joindre à leurs efforts de puissants auxiliaires, qui ont pour instigateurs le monde, le diable et la chair. — Et pouvez-vous, » dit Julien, en regardant Bridgenorth, « acquiescer à une pareille union ? — Je ne m’unis point avec eux, dit Bridgenorth ; mais je