Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/521

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des bouteilles d’osier ; mais il en fut empêché par la prudence de Julien, qui, quoique fort irrité lui-même des affronts gratuits qu’ils avaient reçus, se voyait dans une position où la prudence était plus nécessaire que la vengeance. Il pria et pressa son père de chercher un asile momentané, pour se soustraire à la rage du peuple, tandis qu’il leur était encore possible d’employer cette prudente mesure. L’officier subalterne qui commandait le détachement des gardes-du-corps exhorta vivement le vieux cavalier à suivre ce sage conseil, s’appuyant pour l’y décider du nom du roi, tandis que Julien avait recours à celui de sa mère. Le vieux chevalier regarda, de l’œil d’un homme qui n’est qu’à moitié content, sa lame rouge des égratignures et des estafilades dont il avait régalé les plus téméraires des assaillants.

« J’aurais au moins voulu faire mordre la poussière à un de ces drôles ; mais je ne sais pourquoi ni comment, lorsque je voyais leurs larges et rondes figures anglaises, je n’osais plus me servir de ma pointe, et je me bornais à saigner un peu les coquins. — Mais le bon plaisir du roi, dit l’officier, est que ce tumulte en reste là. — Ma mère, ajouta Julien, mourra de frayeur, si la nouvelle de ce combat parvient à ses oreilles avant que nous nous rendions auprès d’elle. — Oui, oui, répliqua le chevalier. Sa Majesté le roi, et puis ma bonne femme… Eh bien ! leur bon plaisir s’accomplira, c’est tout ce que je puis dire. Il faut obéir aux rois et aux dames. Mais par où effectuer notre retraite, puisqu’il faut absolument se retirer ? »

Julien n’aurait pas facilement répondu à cette demande ; car dans le voisinage tout le monde avait fermé ses boutiques et barricadé ses portes en voyant le tumulte devenir si formidable. Le pauvre armurier cependant, dont il avait mis sans gêne les marchandises à contribution, leur offrait un asile de la part du propriétaire de la maison où il louait boutique, en se contentant d’ajouter avec douceur qu’il espérait que ces messieurs lui tiendraient compte de l’emploi de ses armes.

Julien examinait à la hâte si la prudence lui permettait d’accepter l’invitation de cet homme, l’expérience lui ayant appris combien de ruses étaient alors employées réciproquement par deux factions ennemies, dont la haine était trop invétérée pour se faire grand scrupule de combattre sans loyauté ; lorsque le nain, élevant sa voix aigre jusqu’au ton le plus haut qu’il lui était possible d’atteindre, et criant comme un héraut déjà fatigué, les exhorta,