Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/520

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monyme n’eût éloigné les assaillants en faisant voltiger son sabre, et, le relevant d’un bras nerveux, ne l’eût mis hors de danger, sauf les projectiles qu’il pouvait recevoir, en le plaçant sur l’auvent, c’est-à-dire, sur le toit de planches qui se projetait au-dessus de la boutique de l’armurier. Le nain saisit aussitôt, parmi les armures rouillées qui servaient d’enseigne, une vieille rapière et un bouclier, et, se couvrant de l’un, se mit à porter des bottes avec l’autre, à la face et au nez des gens de la rue, si charmé de la position avantageuse qu’il occupait, qu’il suppliait à haute voix ses amis, pendant qu’ils combattaient à armes plus égales contre leurs opiniâtres adversaires, de venir se mettre sous sa protection. Mais, loin d’être en position d’avoir besoin de secours, le père et le fils auraient aisément réussi à se débarrasser de cette canaille, s’ils avaient pu songer un seul instant à laisser le petit homme dans la situation périlleuse où il se trouvait, et où, à tout autre œil qu’au sien, il paraissait comme un diminutif de mannequin placé avec un sabre et un bouclier pour servir d’enseigne à un maître d’escrime.

Les pierres et les bâtons commencèrent alors à voler de toutes parts, et la foule, malgré les efforts des Peveril pour la disperser avec le moins de mal possible, semblait déterminée à les immoler à sa fureur, lorsque quelques personnes qui avaient assisté à l’audience, comprenant qu’on en voulait à la vie des prisonniers qui venaient d’être acquittés, et que la populace allait les massacrer, tirèrent leurs rapières, et accoururent à leur secours ; mais ils ne réussirent encore à les dégager que quand ils furent soutenus par un petit détachement des gardes-du-corps, qu’on avait envoyés de leur poste ordinaire au premier bruit de ce qui se passait. Lorsque ce renfort inattendu arriva, le vieux et brave chevalier reconnut tout à coup parmi les cris que poussaient les nouveaux arrivés, quelques-uns des sons qui avaient animé sa jeunesse plus active.

« Où sont les gredins de têtes-rondes ? criaient les uns ; à bas ces lâches hypocrites ! criaient les autres. Vivent le roi et ses amis ! tous les autres au diable ! » hurlait un troisième chœur avec plus de jurements et d’imprécations qu’il n’est convenable d’en confier au papier dans un siècle aussi délicat que le nôtre.

Le vieux soldat, dressant les oreilles comme un vieux chasseur aux aboiements des chiens, aurait volontiers balayé le Strand, dans la charitable intention, se voyant si bien secondé, d’obliger les marchands de Londres qui l’avaient insulté à se fourrer dans