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et il déclara positivement au major qu’il désapprouvait cet usage d’aller se réjouir dans les hauts lieux avec des gens incirconcis de cœur, et qu’il ne considérait la fête qui devait avoir lieu que comme une orgie dans la maison de Tirzah.

Cette remontrance du pasteur fit penser à Bridgenorth qu’il avait peut-être eu tort de céder si facilement à l’ardeur de sa reconnaissance, et d’entamer si promptement des relations intimes avec les habitants du château de Martindale. Mais il avait trop d’orgueil pour se reconnaître coupable devant le ministre, et ce ne fut qu’après une discussion qui se prolongea fort long-temps qu’il fut convenu entre eux de n’assister au banquet de lady Peveril qu’à la condition que nulle santé, nul toast ne serait porté en leur présence. Bridgenorth, comme délégué et représentant de son parti, s’engagea donc à résister fermement à toute sollicitation ; et de là l’embarras extrême où lady Peveril se vit tout à coup jetée. Elle se repentit alors amèrement d’une invitation faite dans les meilleures intentions, car elle prévit qu’un refus de la part des presbytériens allait réveiller tous les anciens motifs de querelle, et occasionner peut-être de nouvelles violences entre des gens qui n’avaient pas encore eu le temps de perdre le souvenir d’une guerre civile, apaisée seulement depuis quelques années. Céder à la demande des presbytériens, c’eût été offenser mortellement le parti royaliste, et particulièrement sir Geoffrey, car les cavaliers se faisaient autant un point d’honneur de porter des santés et de forcer les autres à y répondre, que les puritains se faisaient un article de foi de refuser l’un à l’autre.

Enfin lady Peveril, changeant tout à coup de discours, parla de l’enfant de Bridgenorth, l’envoya chercher, et la lui mit entre les bras. Ce stratagème réussit ; car, quelque raideur de caractère qu’eût l’ancien major parlementaire de Cromwell, la tendresse paternelle eut le dessus, et de même que le gouverneur de Tilbury[1], qui se laissa toucher, il prit l’engagement de faire accepter aux siens une espèce de compromis. C’était que le major, le pasteur, et ceux qui tenaient strictement aux dogmes de puritanisme, se réuniraient séparément dans le grand salon, tandis que la salle à manger serait occupée par les joyeux cavaliers, et que chacun se comporterait de son côté selon ses usages ou sa conscience.

Le major lui-même parut satisfait de la manière dont cette im-

  1. Voir le drame de Shéridan, intitulé le Critique. a. m.