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innocentes et loyales, avec mon noble cousin le feu duc de Stafford (car, malgré ses malheurs, je le nommerai toujours ainsi), et avec la parente de ma femme, l’honorable comtesse de Derby. Mais est-il vraisemblable que j’aie conspiré avec un bouffon décrépit entre lequel et moi jamais il n’exista de rapport, si ce n’est une fois, à une fête de Pâques, où je sifflai un air pendant qu’il dansait dans un plat pour divertir la compagnie ? »

La rage fit venir les larmes aux yeux du pauvre nain, et, avec un sourire affecté, il dit qu’au lieu de rappeler ses folies de jeunesse, sir Geoffrey Peveril pourrait se souvenir de l’avoir vu charger avec lui à Wiggan-Lane.

« Sur mon honneur ! » répondit sir Geoffrey, après s’être recueilli un moment, « je vous rendrai justice, maître Hudson. Je pense en effet que vous y étiez ; et j’ai, je crois, entendu dire que vous vous y conduisîtes honorablement ; mais vous conviendrez que vous pouvez avoir été près de moi sans que je vous aie vu. »

Un rire étouffe circula dans l’assemblée lorsqu’on entendit le témoignage naïf de sir Geoffrey le Grand. Le nain s’efforça de le réprimer en s’élevant sur la pointe des pieds, et en promenant autour de lui un regard menaçant, comme pour avertir les rieurs que leur gaieté pourrait bien leur coûter cher. Mais, s’apercevant que ces grands airs ne faisaient qu’exciter le dédain, il prit un air d’indifférence méprisante, en disant, avec un sourire, que le regard du lion enchaîné n’inspirait de crainte à personne ; mais cette comparaison majestueuse accrut plus qu’elle ne diminua l’hilarité générale.

Julien fut accusé, comme on pouvait s’y attendre, d’avoir été l’agent d’une correspondance entre la comtesse de Derby et d’autres papistes et ecclésiastiques engagés dans la grande et abominable conspiration des catholiques ; d’avoir fait le siège de Moultrassie-House ; d’avoir maltraité Chiffinch, d’avoir attaqué (car on se servit de ce mot) John Jenkins, serviteur du duc de Buckingham. Tous ces faits étaient rapportés comme autant d’actes manifestes de haute trahison. À ces accusations Peveril se contenta de répondre qu’il n’était pas coupable.

Son petit compagnon ne se borna pas à une justification si simple. Quand il entendit qu’on l’accusait, entre autres choses, d’avoir reçu d’un agent du complot un brevet en blanc de colonel d’un régiment de grenadiers, il répondit avec colère et dédain que si Goliath de Gath lui avait fait une telle proposition et lui