Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/498

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dit Buckingham, personne ne fait attention à ses folies. Mais vous paraissez plus mal : allons, allons, cette reconnaissance vous a trop ému : restez assis… ne vous levez pas… n’essayez pas de vous jeter à mes genoux… je vous ordonne de vous reposer jusqu’à ce que j’aie fait le tour de ces salles. »

Le vieux cavalier baissa la tête en signe d’obéissance aux ordres de son souverain ; mais il ne la releva plus. L’agitation tumultueuse causée par cette scène avait été trop forte pour un esprit depuis si long-temps plongé dans l’abattement, et pour une santé affaiblie. Quand le roi et ceux qui l’accompagnaient, après une demi-heure d’absence, revinrent à l’endroit où ils l’avaient laissé, ils le trouvèrent mort, et déjà froid, dans l’attitude d’un homme qui s’est laissé aller à un profond sommeil. Le roi tressaillit d’effroi, et ce fut d’une voix altérée qu’il ordonna que son corps fût enseveli, avec les honneurs convenables, dans la chapelle de la Tour. Il resta silencieux jusqu’à ce qu’il fût arrivé sur les degrés devant l’arsenal, où, dès qu’on le vit paraître, une partie de son cortège commença à se rassembler, ainsi que d’autres personnes d’un extérieur respectable, que la curiosité avait attirées.

« Cela est vraiment déplorable ! dit le roi : il faut que nous trouvions quelques moyens de secourir la misère et de récompenser la fidélité de nos malheureux partisans, ou la postérité criera anathème sur notre mémoire. — On a souvent débattu de semblables projets dans le conseil de Votre Majesté, dit Buckingham. — C’est vrai, George. Je puis dire que ce n’est point ma faute. Je songe à cela depuis bien des années. On ne saurait trop y songer, répondit Buckingham ; d’ailleurs, chaque jour rend la tâche plus facile. — Oui, dit le comte d’Ormond, en diminuant le nombre de ceux qui souffrent : le vieux Coleby, par exemple, ne sera plus à la charge de la couronne. — Vous êtes trop sévère, milord d’Ormond, dit le roi ; vous devriez respecter les sentiments que vous blessez. Vous ne pouvez croire que j’aurais laissé ce pauvre vieillard dans cet état si j’en avais été instruit. — Pour l’amour de Dieu, dit le duc d’Ormond, sire, détournez donc maintenant vos yeux de ce vieil ami qui n’est plus, et portez-les sur tant d’autres qui souffrent encore. Dans cette prison est le vieux et brave sir Geoffrey Peveril du Pic, qui, pendant toute la guerre civile, se trouva partout où il y avait des coups à recevoir, et qui fut, je crois, le dernier de toute l’Angleterre à déposer les armes ; dans cette prison, est son fils, que l’on m’a vanté comme un jeune homme d’esprit, de tête