Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/497

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tait, et qui n’aurait pas enduré la moitié des impertinences que j’ai entendues aujourd’hui. »

Le ton du vieillard, aussi bien que ses paroles, attira l’attention du roi et du duc d’Ormond, qui n’étaient qu’à deux pas en avant. Ils s’arrêtèrent et se retournèrent. « Comment ! dit le roi, quelle est cette manière de répondre ? Et de qui parles-tu ? — D’un homme qui n’est plus rien aujourd’hui, quelque titre qu’il ait porté autrefois. — Ce vieillard parle sûrement de lui, » dit d’Ormond en examinant attentivement le gardien, qui s’efforçait en vain de détourner la tête. « Mais je suis sûr de connaître ces traits. N’êtes-vous pas, mon vieil ami, le major Coleby ? — J’aurais souhaité que Votre Seigneurie eût moins bonne mémoire, » répondit le vieillard en rougissant et en fixant les yeux à terre.

L’étonnement du roi fut extrême. « Bon Dieu ! s’écria-t-il, le brave major Coleby, qui vint nous joindre à Warrington avec ses quatre fils et cent cinquante hommes ! Et c’est là tout ce que nous avons pu faire pour un vieil ami de Worcester ! »

Les yeux du vieillard se remplirent de larmes. « Ne faites pas attention à moi, » dit-il d’une voix mal assurée ; « je suis bien ici, vieux soldat parmi de vieilles armures : pour un ancien cavalier mieux partagé que moi, il en est vingt qui le sont plus mal. Je suis fâché de le dire à Votre Majesté, puisque cela l’afflige. »

Pendant que le vieillard parlait, Charles, avec cette bonté qui rachetait en lui bien des défauts, lui retira la pertuisane des mains, et la mit dans celles de Buckingham, en disant : « Ce que les mains de Coleby ont porté ne peut déshonorer ni les vôtres ni les miennes ; et vous lui devez cette réparation. Il a été un temps où, pour moins que cela, il vous en eût rudement frotté les oreilles. »

Le duc fit un salut respectueux, en rougissant de colère, et saisit la première occasion pour la déposer d’un air indifférent contre un faisceau d’armes. Cet acte de mépris ne fut pas remarqué par le roi, à qui il aurait probablement déplu. Mais il était en ce moment occupé avec le vieillard, qu’il engageait à s’appuyer sur son bras, tandis qu’il le conduisait vers un siège, sans permettre que personne autre se chargeât de ce soin. « Reposez-vous là, mon brave et vieux ami, lui dit-il, et Charles Stuart sera bien pauvre si vous portez cet habit une heure de plus. Vous paraissez bien pâle, mon pauvre Coleby, et vous aviez tant de couleurs il n’y a qu’un moment. Ne vous fâchez point de ce que vous a