Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/496

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protestante, ne voulût faire passer sous son autorité immédiate les magasins d’armes et de munitions. Pendant que le roi s’entretenait tristement avec Ormond de ce résultat des défiances populaires de l’époque et des moyens d’y échapper par la force ou par l’adresse, Buckingham, qui se tenait un peu en arrière, s’amusait aux dépens de l’air gothique et de la tournure embarrassée du vieux gardien qui marchait derrière le roi. C’était précisément le même qui avait conduit Peveril à la prison qu’il occupait en ce moment. Le duc poursuivait sa raillerie avec d’autant plus d’ardeur que le vieillard, quoique retenu par la présence du roi, était maussade et bourru, et tout disposé à procurer à son persécuteur ce qu’en termes de chasse on appelle du plaisir. Les vieilles armures dont les murs étaient couverts fournissaient au duc le sujet de milles plaisanteries ; il exigeait que le vieillard, qui devait, disait-il, connaître tout ce qui s’était passé depuis le roi Arthur pour le moins, lui racontât l’histoire de chacune de ces armures et les particularités des batailles où elles avaient servi. Le vieillard souffrait évidemment de se voir contraint, à force de questions, de répéter les légendes, la plupart du temps suffisamment absurdes, que les traditions rattachaient à ces précieuses reliques du temps passé. Au lieu de brandir sa pertuisane et d’enfler sa voix, comme c’est encore aujourd’hui la coutume de ces cicérones militaires, on pouvait à peine lui arracher un mot sur un sujet d’éloquence ordinairement intarissable.

« Savez-vous, mon ami, » lui dit enfin le duc, « que je commence échanger d’opinion sur votre compte ? J’avais cru que vous aviez servi comme yeoman de la garde au temps du roi Henri VIII ; j’espérais apprendre quelque chose de vous sur le camp du Drap-d’Or et sur la couleur du nœud de ruban d’Anne de Boulen, qui coûta au pape trois royaumes ; mais je crains que vous ne soyez novice dans ces souvenirs d’amour et de chevalerie. Est-il bien sûr que tu ne te sois pas glissé dans ce poste militaire en sortant de quelque boutique obscure des environs de la Tour, et que tu n’aies pas échangé une aune de marchand contre cette glorieuse hallebarde ? Je garantis que tu ne pourrais pas me dire à qui appartenait cette antique armure. »

En parlant ainsi, le duc lui montrait une cuirasse suspendue au milieu de plusieurs autres, mais qui paraissait mieux frottée.

« Je dois la connaître, » répondit le gardien en rougissant et d’une voix un peu altérée, « car j’ai connu l’homme qui la por-