Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/488

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ques frivoles créatures, par des femmes à qui une méchante tirade de comédie pouvait faire tourner la tête, dont le cerveau n’était rempli que de souliers à talons rouges et de brodequins de satin, et qui ne pourraient jamais résister à l’argument d’une jarretière ou d’un crachat. — Et n’y a-t-il point dans votre climat de belles aussi fragiles ? très-dédaigneuse princesse. — Il y en a certainement ; mais on les estime à l’égal des perroquets et des singes, être sans âme ni sentiment, sans tête ni cœur. Notre proximité du soleil a purifié nos passions en leur donnant plus de force. Les glaces de votre froid climat serviront de marteaux pour convertir en socs de charrue des barres de fer rouge, avant que la futilité et la sottise de votre prétendue galanterie fassent une impression d’un moment sur un cœur comme le mien. — Vous parlez en femme qui sait ce qu’est une passion. Asseyez-vous, belle dame, et ne m’en voulez pas si je vous retiens encore. Qui pourrait consentir à se séparer d’une langue aussi mélodieuse, ou d’un œil dont l’éloquence est si expressive ? Vous avez donc connu ce que c’est que l’amour ? — Je le connais, n’importe que ce soit par expérience ou sur le dire des autres ; mais je le connais, et je sais qu’aimer comme j’aimerais, ce serait ne pas céder un iota à l’avarice, pas un pouce à la vanité, ne pas sacrifier le moindre sentiment à l’intérêt ni à l’ambition, mais tout donner, tout, à la fidélité du cœur et à une affection réciproque. — Et combien y a-t-il, selon vous, de femmes capables de ressentir une passion si désintéressée ? — Des milliers de plus qu’il n’y a d’hommes qui le méritent. Hélas ! combien de fois voyez-vous la femme pâle, misérable et dégradée suivre encore avec une patience infatigable les pas d’un odieux tyran, et endurer toutes ses injustices avec la soumission d’un épagneul fidèle, qui, maltraité, prise cependant un regard de son maître, le faquin le plus bourru qui dégrada jamais l’humanité, plus que tous les plaisirs que pourrait lui procurer le monde ? Songez à ce que serait une pareille femme pour un homme qui mériterait et paierait de retour son affection. — Peut-être l’inverse ; et quant à votre comparaison, je n’y trouve aucune justesse. Je ne puis accuser mon épagneul de perfidie ; mais pour mes maîtresses, à parler franchement, il faudrait toujours que je fusse diablement pressé pour avoir l’honneur d’en changer avant qu’elles me quittassent. — Et elles agissent comme vous le méritez, milord ; car qu’êtes-vous ?… Voyons, ne froncez pas les sourcils : il faut bien que vous enten-