Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/47

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oreilles pour le forcer à boire ; mais ce n’est pas ma faute. — J’en ferais volontiers le serment, si cela était nécessaire, dit la dame. — Non, milady, par le saint nom de Dieu ! ce n’est pas ma faute, reprit le zélé serviteur ; « et, pour l’honneur du château, j’ai bu tout seul à sa santé un pot de double ale, quoique j’eusse déjà pris mon petit coup du matin. C’est la vérité pure, milady, oui, de par Dieu ! — Je suppose que vous n’avez pas eu grand effort à faire, dit milady ; mais, Whitaker, si, dans ces occasions, vous pouviez témoigner votre joie en buvant et en jurant un peu moins, cela ne vaudrait-il pas mieux ? qu’en pensez-vous ? — Je supplie milady de vouloir bien me pardonner, » reprit Whitaker avec beaucoup de respect ; « j’espère que je sais me tenir à ma place ; je ne suis que l’humble serviteur de Votre Seigneurie, et je sais qu’il ne me sied pas de boire et de jurer comme Votre Seigneurie…. je veux dire comme Son Honneur sir Geoffrey. Mais dites-moi, je vous prie, si l’on ne me voyait pas boire et jurer selon ma condition, comment reconnaîtrait-on l’intendant de sir Peveril du Pic, et je pourrais même dire aussi son sommelier, puisque j’ai toujours eu les clés de la cave depuis le jour où le vieux Spigots est tombé mort d’un coup de fusil sur la tour du Nord-ouest, tandis qu’il tenait un broc à la main ? Je le répète, comment reconnaîtrait-on un vieux cavalier comme moi entre ces misérables têtes-rondes qui ne font rien que jeûner et prier, si je ne bois et ne jure selon mon rang et ma condition ? »

Lady Peveril garda le silence, car elle savait bien que toutes ses paroles seraient inutiles ; et quelques instants après, elle donna à l’intendant l’ordre de faire inviter au banquet qui se préparait les personnes dont les noms étaient écrits sur la liste qu’elle lui remit.

Whitaker, au lieu de recevoir cette liste avec la déférence muette d’un moderne majordome, s’approcha de l’embrasure d’une fenêtre, et, posant ses lunettes sur son nez, se mit sans façon à lire le papier qu’il tenait. Les premiers noms, qu’il reconnut pour être ceux de familles distinguées du voisinage, parurent mériter son approbation ; il s’arrêta, et fit une grimace à celui de Bridgenorth : cependant il parut acquiescer à la volonté de sa maîtresse, en ajoutant cette observation : « Il est bon voisin, il peut passer pour une fois. » Mais quand il lut les nom et prénom de Nehemiah Solsgrace, le ministre presbytérien, la patience lui échappa, et il déclara qu’il se jetterait plutôt dans le