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tie de la rivière que la voûte basse permettait encore d’apercevoir, il devait sentir bien souvent qu’il disait un éternel adieu à la lumière du jour, à l’espérance et à la vie.

Tandis que les gardes donnaient et recevaient le mot d’ordre, Julien tâcha d’apprendre d’un de ses conducteurs dans quel endroit il allait être enfermé ; mais la réponse fut brève et vague : « Où le lieutenant l’ordonnera. — Ne pourrais-je pas obtenir la permission de partager le cachot de mon père, sir Geoffrey Peveril ? » Il n’oublia pas cette fois d’ajouter le nom de sa famille.

Le gardien, vieillard d’un extérieur respectable, resta comme stupéfait d’une demande si extravagante, et répondit brusquement : « C’est impossible. — Du moins, montrez-moi l’endroit où est renfermé mon père, afin que je puisse regarder le mur qui nous sépare ? — Jeune homme, » répliqua le vieux gardien en secouant sa tête grise, « j’en suis fâché pour vous : mais ces questions ne peuvent vous servir de rien. Ici nous ne connaissons ni pères ni fils. »

Cependant le hasard sembla, peu de minutes après, offrir à Peveril cette satisfaction que ses gardiens semblaient disposés à lui refuser. Tandis qu’on l’emmenait par le passage escarpé qui conduit sous ce qu’on appelle la tour de Wakefield, une voix de femme, où la douleur et la joie formaient un inexprimable mélange, s’écria : « Mon fils !… mon cher fils ! »

Ceux mêmes qui accompagnaient Julien furent émus de ce cri qui exprimait un sentiment si vif. Ils ralentirent le pas, et s’arrêtèrent presque pour lui permettre de fixer les yeux sur la fenêtre d’où partaient ces accents de l’angoisse maternelle. Mais l’ouverture en était si étroite et si bien grillée, que tout ce qu’on pouvait voir était la main blanche d’une femme qui se cramponnait à un des barreaux rouillés comme pour se soutenir, tandis qu’une autre main agitait un mouchoir blanc qu’elle laissa tomber. Aussitôt après la fenêtre fut abandonnée.

« Donnez-le-moi, » dit Julien à l’officier qui ramassa le mouchoir ; « c’est peut-être un dernier don de ma mère. »

Le vieux gardien déploya le morceau d’étoffe et l’examina avec l’attention curieuse d’un homme habitué à découvrir des correspondances secrètes dans les actes les plus insignifiants.

« Il peut s’y trouver de l’écriture en encre invisible, dit un de ses camarades. — Il est humide, mais je crois que c’est de pleurs, répondit le vieillard ; je ne puis en priver ce pauvre jeune homme.