Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/456

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Mais ces irrésolutions ne durèrent qu’un instant. Il se rappela bientôt que l’être quelconque qui favoriserait son évasion courrait nécessairement de grands risques, et qu’il avait droit de stipuler les conditions auxquelles il consentait à s’y exposer. Il se souvint aussi que la fausseté est toujours vile, soit qu’elle s’exprime par des paroles ou par des actions, et pensa qu’il mentirait, en montrant le signal convenu comme marque de sa renonciation à Alice Bridgenorth, aussi grossièrement que s’il y renonçait en termes précis, sans l’intention de tenir parole.

« Si vous voulez m’obliger, » dit-il à Clink, « procurez-moi un morceau de soie noire ou de crêpe, pour l’usage dont vous me parlez. — De crêpe ! s’écria le porte-clefs : qu’est-ce que cela signifierait ? En vérité, les gardiens qui vont vous conduire à la Tour vous prendront pour un ramoneur au premier mai[1]. — Ce sera une preuve de mon vif chagrin, dit Julien, ainsi que de ma ferme résolution. — Comme il vous plaira, monsieur, répliqua le porte-clefs ; je vous procurerai quelque chiffon d’étoffe noire. Maintenant, partons. »

Julien répondit qu’il était prêt, et s’avança pour dire adieu à son petit compagnon d’infortune, au fier Geoffrey Hudson. La séparation ne se fit pas sans émotion de part et d’autre, surtout de celle du pauvre nain, qui avait pris en grande amitié le camarade dont on le privait. « Portez-vous bien, mon jeune ami, » dit-il en élevant les deux mains pour saisir celles de Peveril, attitude qui lui donnait l’air d’un marin tirant un cordage. « Tout autre, à ma place, se croirait insulté comme soldat et comme serviteur de la chambre du roi, en vous voyant passer dans une prison bien plus honorable que celle où l’on me renferme ; mais, Dieu merci ! je ne vous envie pas la Tour, ni les rochers de Scilly, ni le château de Carisbrooke, quoique ce dernier ait eu l’honneur de retenir captif le bienheureux martyr et roi mon maître. En quelque lieu que vous alliez, je vous souhaite toutes les distinctions d’une prison honorable, et l’avantage d’en sortir heureusement le plus tôt qu’il plaira à Dieu. Quant à moi, ma carrière touche à sa fin, et cela parce que je succombe victime d’une excessive sensibilité de cœur. Il y a une circonstance dont je vous aurais informé, mon cher monsieur Julien Peveril, si la Providence eût permis que nous fissions plus ample connaissance ; mais je ne puis vous la communiquer à présent. Allez donc, mon

  1. Jour de fête des ramoneurs à Londres. a. m.