Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/446

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pourrait lui offrir, Julien ne se sentit pas disposé à les laisser échapper si promptement. Il répondit seulement au nain qu’il avait été troublé par un rêve affreux.

« Je l’aurais juré d’après le son de votre voix, dit Hudson. Il est vraiment étrange que vous autres hommes de grande taille vous ne possédiez jamais cette rare fermeté de nerfs qui nous est propre, à nous qui avons été jetés dans un monde plus compacte. Ma voix conserve en toute occasion son accent mâle et sonore. Le docteur Cockerel pensait qu’il y avait une même proportion de nerfs et de fibres pour les hommes de toutes les tailles, et que la nature les file plus gros ou plus minces suivant l’étendue de la surface qu’ils doivent recouvrir. De là vient que les plus petites créatures sont souvent les plus fortes. Mettez un escarbot sous un grand chandelier, et l’insecte le remuera par ses efforts pour reconquérir sa liberté ; ce qui est, pour achever ma comparaison, comme si l’un de nous ébranlait par de semblables efforts la prison royale de Newgate. Les chats aussi et les belettes sont des animaux qui ont plus de force et la vie plus dure que les chiens ou les brebis. Et en général, vous pouvez remarquer que les petits hommes dansent mieux et sont moins fatigués des efforts de tout genre que ceux pour qui leur poids doit nécessairement être un fardeau. Je vous respecte, monsieur Peveril, parce qu’on m’a dit que vous aviez tué un de ces grands gaillards qui font les fendants comme si leurs âmes étaient plus grandes que les nôtres, attendu que leur nez est d’un pouce ou deux plus rapproché des nuages. Mais ne vous glorifiez pas de cette victoire comme d’un exploit sans pareil. Je voudrais vous convaincre qu’il en a toujours été ainsi, et que dans l’histoire de tous les siècles l’homme petit, agile, leste et vigoureux a constamment eu l’avantage sur un adversaire colossal. Je n’ai besoin que de vous citer, dans l’Écriture sainte, l’exemple de la fameuse chute de Goliath, et celui d’un autre lourdaud qui avait plus de doigts à la main et plus de pouces à la taille qu’il ne saurait appartenir à un honnête homme, et qui fut tué par un neveu du bon roi David ; il en est beaucoup d’autres encore dont les noms m’échappent, mais qui tous étaient des Philistins d’une haute stature. Parmi les païens, n’avez-vous pas Tydée, et je ne sais combien d’autres héros trapus et vigoureux dont les petits corps logeaient de grandes âmes ? Vous pouvez remarquer en outre, dans l’histoire tant sacrée que profane, que vos géants sont des hérétiques et des blasphéma-