Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/440

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sant Amen, répondit : « Votre compagnon ne s’éveillera point tant que je serai ici. — Et qui êtes-vous ?… Que cherchez-vous ici ? et comment y êtes-vous venu ? » dit Peveril entassant avec chaleur question sur question.

« Je suis un être infortuné, mais qui vous aime tendrement… Je viens ici pour vous servir ; ne vous inquiétez pas du reste. »

Une idée s’offrit alors à l’esprit de Julien : il avait ouï parler de personnes qui possédaient le merveilleux talent de contrefaire leur voix de manière qu’elles pouvaient abuser ceux qui les entendaient, au point de leur faire accroire que les sons partaient d’un point de l’appartement tout à fait opposé à celui qu’elles occupaient. Persuadé qu’il avait complètement pénétré le mystère, il répliqua : « Ce badinage, sir Geoffrey n’est pas de saison. Dites ce que vous avez à dire avec votre voix et votre ton ordinaires : les mauvaises plaisanteries ne conviennent pas à minuit dans un cachot de Newgate. — Mais l’être qui vous parle, répondit la voix, choisit de préférence l’heure la plus ténébreuse et les lieux les plus terribles. »

Brûlant d’impatience et résolu à satisfaire sa curiosité, Julien sauta brusquement à bas de son lit, espérant saisir l’être qui parlait ainsi et dont la voix indiquait une extrême proximité. Mais sa tentative fut complètement inutile, et il ne saisit que de l’air.

Peveril fit deux ou trois tours dans la chambre, au milieu de l’obscurité et les bras tendus : puis il réfléchit enfin qu’avec les fers qu’il portait aux pieds, et le bruit qui accompagnait et décelait ses moindres mouvements, il lui serait impossible de mettre la main sur quelqu’un qui ne serait pas disposé à se laisser atteindre. Il chercha donc à regagner son lit ; mais comme il n’allait qu’à tâtons, il arriva d’abord à celui de son camarade d’infortune. Le petit prisonnier dormait d’un profond sommeil : en l’écoutant ronfler un moment, Julien conclut encore, ou que le nain était le plus artificieux des ventriloques et des sorciers, ou qu’il y avait réellement, entre les quatre murs de leur chambre si bien close, un tiers dont la présence même semblait indiquer qu’il n’appartenait pas à notre espèce.

Julien n’était pas fort disposé à croire au surnaturel ; mais il s’en fallait bien aussi que le siècle fût incrédule autant que le nôtre aux apparitions ; et, sans déroger le moins du monde à son bon sens, il pouvait partager les préjugés de son époque. Ses cheveux commençaient à se dresser sur sa tête, et une sueur froide mouil-