Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/438

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manda réellement et avec une grande valeur un corps de cavalerie, rendirent les gens plus circonspects dans leurs plaisanteries, lesquelles d’ailleurs étaient d’autant moins nécessaires que, lorsqu’on le laissait tranquille, il manquait rarement à se montrer de lui-même sous un jour ridicule.

À une heure après midi, le porte-clefs, fidèle à sa parole, apporta aux deux captifs un dîner très-passable, et un flacon de vin assez bon, quoiqu’un peu léger ; et le vieillard, qui était presque un bon vivant, observa d’un ton de regret que la bouteille était d’une taille à peu près aussi diminutive que la sienne. La soirée s’écoula ainsi, mais non sans de continuels symptômes de garrulité de la part de Geoffrey Hudson.

Il est vrai que son bavardage prit un caractère plus grave qu’auparavant ; car, lorsque le flacon fut vide, il récita une longue prière latine. L’acte de religion auquel il s’était livré fit prendre à ses paroles un tour plus sérieux que celui de ses premiers discours, où il ne s’agissait que d’amour, de guerre, et des splendeurs d’une cour magnifique.

Le petit chevalier harangua d’abord sur des points polémiques de théologie, et ne quitta cet épineux sentier que pour entrer dans la route obscure de la mysticité. Il parla d’avertissements secrets, de prédictions faites par des prophètes sévères, de visites que rendaient les esprits moniteurs, et des mystères cabalistiques des rose-croix : tous sujets qu’il traitait avec l’air d’un homme tellement convaincu, alléguant même très-souvent son expérience personnelle, qu’on aurait pu le croire membre de la confrérie des gnomes et des fées, auxquels il ressemblait tant par la taille. En un mot, il continua pendant plus d’une heure à verser un tel torrent de babillage inutile, que Peveril résolut, à tout hasard, de chercher à obtenir un logement séparé. Après avoir récité ses prières du soir en latin, comme la première fois, car il était catholique, le vieillard entama une nouvelle histoire pendant qu’ils se déshabillaient ; et la prolongea jusqu’à ce qu’il eût ainsi appelé le sommeil sur ses yeux et sur ceux de son compagnon.