Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/431

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quittait de ses devoirs aussi bien qu’on le peut désirer. Je suis heureux de vous voir, vous son fils ; et, quoique ce soit par l’effet d’une méprise, je suis content que nous ayons à partager ensemble ce triste appartement. »

Julien s’inclina et le remercia de sa politesse ; mais la glace une fois rompue, Geoffrey Hudson se mit à le questionner sans plus de cérémonie. « Vous ne tenez pas à la cour, je présume, jeune homme ? »

Julien répondit négativement.

« J’en étais bien sûr, reprit le nain ; car, bien que je n’aie actuellement aucune place officielle à la cour, région où se sont écoulées mes premières années, et où j’ai autrefois occupé un emploi considérable, cependant, lorsque j’étais en liberté, j’assistais parfois au lever du monarque, comme mon devoir était de le faire, par suite de mes anciens services, et j’avais toujours conservé l’habitude de faire attention à messieurs les courtisans, ces beaux esprits d’élite parmi lesquels j’étais jadis enrôlé. Je ne veux point vous faire un compliment, monsieur Peveril mais vous avez une figure remarquable, quoique vous soyez un peu trop grand, de même que votre père : il me semble donc qu’il aurait été difficile que je vous eusse vu quelque part sans vous reconnaître ensuite. »

Peveril pensa qu’il aurait pu en toute justice lui renvoyer le compliment ; mais il se contenta de dire qu’il avait à peine vu la cour d’Angleterre.

« Tant pis ! un jeune homme ne se forme que difficilement s’il ne la fréquente pas. Mais vous avez peut-être été à plus dure école : vous avez servi sans doute ? — Mon créateur, je l’espère. — Allons donc ! vous ne comprenez pas. Je vous demande à la française si vous avez servi dans l’armée ? — Non. Je n’ai pas encore eu cet honneur. — Quoi ! ni courtisan ni soldat, monsieur Peveril ? Votre père est blâmable. Oui, sur ma foi, il est blâmable, monsieur Peveril. Comment un homme se fera-t-il connaître, si ce n’est par sa conduite en paix ou en guerre ? Je vous dis, monsieur, qu’à Newberry, où je chargeai avec ma compagnie à côté du prince Rupert, lorsque nous fûmes tous deux battus par ces gredins qu’on nommait les miliciens de Londres, nous fîmes tout ce que des hommes pouvaient faire, et je crois qu’il s’écoula bien trois ou quatre minutes, après que la plupart de nos gens eurent été mis en fuite, pendant que Son Altesse et moi nous continuions à