Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/427

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il aperçût quelque chose qui se tenait pelotonné dans un coin obscur, et qui ressemblait plutôt à un paquet de drap cramoisi qu’à une créature vivante. Aux cris du porte-clefs, l’objet sembla néanmoins prendre vie et mouvement, se développa peu à peu, et, après quelques efforts, parvint à se mettre debout, encore couvert de la tête aux pieds du manteau de drap cramoisi dans lequel il s’était empaqueté. Julien au premier coup d’œil crut ne voir qu’un enfant de cinq ans ; mais la voix aiguë de ce petit être, et le ton particulier de cette voix, lui apprirent bientôt qu’il se trompait.

« Geôlier, » dit ce bizarre personnage, « que signifie tout ce vacarme ? Avez-vous encore des insultes à entasser sur la tête d’un malheureux qui a toujours été en butte à la malignité de la fortune ? Mais j’ai une âme capable de résister à tous les revers, elle est aussi grande qu’aucun de vos corps. — Oh ! sir Geoffrey, est-ce de cette manière que vous accueillez votre fils, répliqua le porte-clefs ; mais vous autres gens de qualité, vous savez comment vous devez vous conduire. — Mon fils, s’écria le nain. Insolent !… — Il y a ici quelque étrange méprise, dit alors Peveril ; je voulais voir sir Geoffrey… — Et vous le voyez devant vous, jeune homme, » dit le pygmée avec un air de dignité, en jetant sur le plancher son manteau cramoisi, et en se redressant avec toute la fierté compatible avec sa taille de trois pieds six pouces. « Je suis le serviteur favori de trois souverains, qui ont successivement porté la couronne d’Angleterre : maintenant j’habite ce cachot, et je sers de jouet au brutal qui en est le geôlier. Je suis sir Geoffrey Hudson. »

Julien, quoiqu’il n’eût encore jamais vu cet important personnage, n’eut pas de peine à reconnaître, d’après la description qu’on lui en avait faite, le célèbre nain d’Henriette-Marie, qui avait survécu aux dangers de la guerre civile et des querelles particulières, au meurtre de son royal maître, Charles Ier, et à l’exil de sa veuve, pour succomber dans ces temps malheureux sous une des nombreuses accusations relatives au complot papiste. Il salua le pauvre vieillard, et se hâta de lui expliquer, ainsi qu’au porte-clefs, que c’était la prison de sir Geoffrey Peveril, du château de Martindale, dans le comté de Derby, qu’il avait demandé à partager.

« Vous auriez dû dire cela avant de vous débarrasser de votre poussière d’or, mon maître, répliqua le porte-clefs ; car l’autre sir Geoffrey est un homme gros, grand et à cheveux gris, qui a