Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/417

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Certains bons protestants, qui concevaient d’eux-mêmes une assez haute opinion pour se croire dignes d’être particulièrement exposés aux coups de la rage catholique, s’étaient munis d’armes défensives en cette occasion. Mais il fut aisément reconnu qu’une cuirasse à l’épreuve des balles, attachée avec une chaîne de fer, n’était pas une enveloppe très-commode pour quiconque avait l’intention de manger venaison et pâtisserie, et qu’une cotte de buffle ou de mailles n’était guère moins gênante pour les mouvements nécessaires en pareille circonstance. En outre, il y avait d’autres objections, telles que l’aspect alarmant et menaçant que ce harnais de guerre donnait à la Bourse et aux différents endroits où les négociants se réunissent d’ordinaire ; sans parler des excoriations dont se plaignaient ceux qui, n’appartenant ni à l’artillerie ni à la milice, n’avaient pas l’habitude de porter des armures défensives.

Pour obvier à ces inconvénients, et en même temps pour protéger la personne des vrais protestants contre toute violence ouverte et contre tout guet-apens de la part des papistes, quelque artiste ingénieux appartenant, nous devons le présumer, à la respectable corporation des merciers avait inventé une espèce d’armure dont on ne trouve aucun échantillon dans la salle d’armes de la Tour de Londres, ni dans la chambre gothique de Gwynnap, ni même dans l’inestimable collection d’armes anciennes du docteur Meyrick[1]. On l’appelait armure de soie, car elle consistait en un pourpoint et des culottes de soie piquée, tellement forte et d’une telle épaisseur qu’elle était à l’épreuve de la balle et de l’acier : un bonnet moins épais et de même fabrique, avec des couvre-oreilles qui tombaient de chaque côté, le tout ressemblant beaucoup à un bonnet de nuit, complétait l’équipement et garantissait, de la tête aux genoux, la sécurité de celui qui le portait. Maître Maulstatute, entre autres dignes citoyens, avait adopté cette singulière panoplie, qui avait l’avantage d’être douce, chaude et flexible aussi bien que sûre. Il était alors assis dans son fauteuil magistral : c’était un homme petit, rond, entouré pour ainsi dire de coussins (car ses vêtements ouatés n’avaient pas l’air d’autre chose), avec un nez qui s’allongeait de dessous son casque de soie, et dont l’ampleur, jointe à la pesante corpulence du personnage, donnait à Sa Seigneurie une ressemblance frappante avec l’enseigne du Cochon armé, ressemblance qu’augmentait encore

  1. Auteur d’un traité sur les armes. a. m.