Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/408

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un doute et une hésitation que lui inspirait le souvenir des gens auxquels il l’avait confiée : la répugnance qu’elle avait à retourner se mettre de nouveau sous sa protection fut fortement approuvée de son jeune guide, lorsque peu de mots l’eurent convaincu de l’identité de Ganlesse avec Christian. Que devaient-ils donc faire ?

« Alice, » dit Julien après un instant de réflexion, « vous devez recourir à votre plus ancienne et à votre meilleure amie, je veux dire ma mère. Elle n’a pas aujourd’hui de château où elle puisse vous recevoir ; elle n’a qu’un misérable logement, si voisin de la prison où mon père est enfermé, qu’il semble en être une dépendance. Je ne l’ai pas encore vue depuis mon arrivée ; mais voilà ce que j’ai appris par mes recherches. Nous nous rendrons à sa demeure : telle qu’elle est, je suis persuadé qu’elle la partagera avec une personne aussi innocente et aussi dénuée de protection que vous l’êtes. — Juste ciel ! dit la pauvre fille, suis-je donc tellement abandonnée, que je doive aller me mettre à la merci de celle qui, dans le monde entier, a le plus de raison de me repousser ? Julien, pouvez-vous me donnez un tel conseil ? N’est-il donc personne qui puisse m’offrir un asile pour quelques heures, jusqu’à ce que j’aie des nouvelles de mon père ? Quoi ? point d’autre refuge que celle dont la ruine a été, je le crains, accélérée par… Oh ! Julien, je n’oserai jamais paraître devant votre mère ! elle doit me haïr à cause de ma famille, et me mépriserait pour cette bassesse. Me remettre de nouveau sous sa protection, lorsqu’elle a été si mal récompensée de me l’avoir accordée une première fois ! Non, non, Julien, je ne saurais aller avec vous. — Jamais elle n’a cessé de vous aimer, Alice, » dit son guide, dont elle continuait à suivre les pas, tout en lui exprimant la résolution où elle était de ne pas l’accompagner. « Elle a toujours eu de l’affection pour vous, et même pour votre père : quoique sa conduite envers nous ait été dure, elle passe sur bien des choses à cause de la provocation qu’il a reçue. Croyez-moi, auprès d’elle vous serez aussi en sûreté qu’avec une mère. Peut-être sera-ce un moyen d’anéantir ces divisions qui nous ont causé tant de peines. — Dieu vous entende ! dit Alice ; mais comment oser regarder votre mère en face ? Et d’ailleurs aura-t-elle le pouvoir de me protéger contre ces hommes puissants, contre mon oncle Christian ? Hélas ! faut-il que je puisse l’appeler mon plus cruel ennemi ! — Elle aura l’ascendant qu’exerce l’honneur sur l’infamie,