Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/403

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Le roi secoua la tête et prit le paquet avec répugnance. « Ce n’est pas une mission bien sûre que celle dont vous êtes chargé : on égorge quelquefois un messager pour avoir ses dépêches. Mais remettez-les-moi ; et vous, Chiffinch, donnez-moi de la cire et une bougie. » Et il s’occupa lui-même à renfermer le paquet de la comtesse dans une autre enveloppe. « Buckingham, dit-il, vous êtes témoin que je ne les lis pas avant que le conseil les examine. »

Buckingham s’approcha et offrit ses services pour envelopper le paquet ; mais Charles refusa son assistance ; et quand il eut terminé, il scella l’enveloppe avec son propre anneau. Le duc se mordit les lèvres et ne dit mot.

« Et à présent, jeune homme, dit le roi, votre mission est accomplie, autant du moins qu’il a dépendu de vous. »

Julien interpréta fort judicieusement ces paroles comme une injonction de se retirer, et, faisant un profond salut, il se mit en devoir de sortir. Alice Bridgenorth, qui retenait toujours son bras, fit un mouvement pour s’éloigner avec lui. Le roi et Buckingham se regardèrent avec étonnement et prêts à sourire, tant il leur paraissait étrange qu’une proie pour laquelle un instant auparavant ils s’étaient disputés, pût ainsi leur échapper, ou plutôt leur être ravie par un troisième compétiteur d’un rang si inférieur.

« Mistress Chiffinch, » dit le roi avec un mouvement d’hésitation qu’il ne put réprimer, « j’espère que votre belle pensionnaire n’a pas l’intention de nous quitter. — Non, certainement. Votre Majesté, répondit la Chiffinch. Alice, ma chère, vous vous méprenez ; c’est la porte opposée qui conduit à vos appartements. — Pardonnez-moi, madame, je ne me trompe pas de chemin, quand je prends celui qui doit me conduire loin d’ici. »

Buckingham regarda Charles d’une manière aussi expressive que l’étiquette pouvait le lui permettre ; puis se retournant vers Alice, toujours attachée au bras de Julien : « Cette demoiselle errante, dit-il, a résolu de ne pas s’égarer en chemin une seconde fois. Elle a choisi un guide assez habile. — Cependant on raconte que de semblables guides ont souvent égaré les demoiselles, » dit le roi.

Alice rougit, mais se remit aussitôt qu’elle eut compris que sa liberté pouvait dépendre de l’accomplissement immédiat de sa résolution. Par un sentiment de délicatesse offensée elle quitta le