Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/40

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son âme étaient sans fondement. Par un mouvement passionné, il s’élança vers elle, la prit dans ses bras, la pressa contre son cœur ; et l’enfant, quoique effrayée d’abord de la violence de ses caresses, se mit tout à coup à lui sourire, comme par un secret instinct de la nature. La plaçant ensuite à quelque distance de lui, il l’examina plus attentivement, et se convainquit que rien dans les traits et dans la carnation du petit ange qu’il avait sous les yeux n’offrait les symptômes de la maladie tant redoutée, et que, bien que ses petits membres fussent délicats, ils étaient recouverts d’une chair ferme et potelée.

« Je ne croyais pas cela possible ! » s’écria Bridgenorth en regardant lady Peveril, qui observait cette scène avec une vive émotion de joie. » Grâces soient rendues au ciel d’abord, et ensuite à vous, milady, qui avez été l’instrument de ses bontés ! — Je crains bien que maintenant Julien ne soit sur le point de perdre sa petite compagne, dit lady Peveril ; mais Moultrassie-House n’est pas éloigné d’ici ; j’irai voir souvent l’enfant de mon adoption. Dame Marthe, votre femme de charge, est une personne sage, soigneuse, je lui expliquerai le régime que j’ai suivi à l’égard d’Alice, et j’espère… — À Dieu ne plaise que ma fille vienne jamais à Moultrassie-House ! » s’écria précipitamment le major ; « cette funeste maison a été le tombeau de sa famille ; ces terrains bas et mal aérés ne convenaient point à leur santé ; ou peut-être, un sort fatal est-il attaché à cette demeure. Je chercherai pour elle une autre habitation. — Avec votre permission, major Bridgenorth, j’espère que vous n’en ferez rien, reprit lady Peveril. Si vous agissiez ainsi, vous me feriez supposer que vous me jugez incapable d’achever la tâche que je me suis imposée. Si Alice ne doit pas habiter la maison de son père, elle ne quittera pas la mienne. Je garderai l’enfant pour lui continuer mes soins, et vous donner, major, une preuve de mon habileté ; et puisque vous craignez l’air humide des terrains bas, je me flatte que vous viendrez souvent la voir ici. »

Cette proposition alla droit au cœur de Bridgenorth. C’était justement ce qu’il eût cherché à obtenir au prix de tout, mais ce qu’il n’osait espérer ni demander.

On ne sait que trop que ceux dont les parents sont poursuivis opiniâtrement par une maladie semblable à celle qui avait été si fatale aux enfants du major, deviennent en quelque sorte superstitieux, et attribuent aux lieux, aux circonstances, aux soins indi-