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Mistress Chiffinch, plus embarrassée que jamais, s’avança de nouveau vers la porte de communication qu’elle avait été sur le point d’ouvrir lors de l’entrée de Sa Majesté. Mais au moment où elle toussait très-fort, peut-être pour avertir quelqu’un placé en dedans, on entendit des voix se disputer très-haut, la porte s’ouvrit tout à coup, et Alice s’élança de l’appartement, suivie par l’entreprenant duc de Buckingham, qui s’arrêta pétrifié en voyant que la poursuite de la belle fugitive l’avait amené en présence du roi.

La colère dont Alice Bridgenorth paraissait transportée ne lui permit pas de s’apercevoir du rang ou du caractère des personnes au milieu desquelles elle se trouvait d’une manière si soudaine. « Je ne resterai pas plus long-temps ici, madame, » dit-elle à mistress Chiffinch, d’un ton de résolution inébranlable : « Je quitte sur-le-champ une maison dans laquelle je suis exposée à une compagnie que je déteste, et à des sollicitations que je méprise. »

Mistress Chiffinch épouvantée ne put que la prier, par des chuchotements interrompus, de garder le silence, et lui dire, en désignant Charles, qui fixait ses regards plutôt sur l’audacieux courtisan que sur le gibier qu’il poursuivait : « Le roi ! le roi ! — Si je suis en présence du roi, s’écria aussitôt Alice avec l’entraînement de la passion, tandis que ses yeux brillaient à travers les pleurs que lui arrachaient le ressentiment et sa pudeur insultée : « Tant mieux ! Il est du devoir de Sa Majesté de me protéger ; et je me range moi-même sous sa protection. »

Ces mots qu’elle prononçait à haute voix et courageusement rappelèrent tout à coup Julien à lui-même, car il était resté jusque-là comme pétrifié. Il s’approcha d’Alice, et l’avertissant tout bas qu’elle avait à ses côtés un être qui la défendrait aux dépens de sa propre vie, il la pria de se confier à lui dans cette occasion.

Alice lui saisit le bras avec joie et gratitude, et l’émotion qui lui avait inspiré tant d’énergie pour se défendre lui fit verser un torrent de pleurs, lorsqu’elle se vit soutenue par celui que peut-être elle désirait le plus avouer pour son protecteur. Elle permit à Peveril de l’attirer vers le paravent devant lequel il était placé, et, sans quitter son bras, elle s’efforçait de se cacher derrière lui. Dans cette attitude, ils attendirent la fin d’une scène si singulière.

Le roi parut d’abord tellement surpris à l’apparition inattendue de Buckingham, qu’il accorda peu ou point d’attention à Alice, qui