Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/396

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ordres de Votre Majesté ? — J’attendrai son retour, dit le roi. Permettez-moi de goûter votre chocolat. — Il y en a de plus fraîchement fait dans l’office, » dit la dame ; puis elle se servit d’un petit instrument d’argent ou sifflet, et un enfant noir, magnifiquement vêtu en manière de page oriental, avec des bracelets d’or sur ses bras nus, et un collier d’or autour de son cou également nu, se présenta portant ce breuvage favori du matin sur un plateau de la plus riche porcelaine de Chine.

Tout en humant sa tasse de chocolat, le roi ; parcourait des yeux l’appartement, et, apercevant Fenella, Peveril et le musicien, qui se tenaient immobiles près d’un paravent indien, il continua de s’adresser à mistress Chiffinch, quoique avec une indifférence polie. « Je vous ai envoyé le violon ce matin, ou plutôt la flûte… Empson, et une petite fée que j’ai rencontrée dans le parc, et qui danse divinement. Elle nous a apporté la vraie nouvelle sarabande de la cour de la reine Mab[1], et je vous l’ai envoyée ici, afin que vous puissiez la voir à loisir. » — Votre Majesté me fait trop d’honneur, dit la Chiffinch, les yeux baissés, et avec l’accent de l’humilité.

— Il est vrai, petite Chiffinch, » reprit le roi, d’un ton de familiarité aussi méprisant que le pouvaient comporter ses manières distinguées, « que ce n’était pas seulement pour tes oreilles, quoiqu’elles méritent toute sorte de sons enchanteurs ; je pensais que Nelly serait avec toi ce matin. — Je vais envoyer Bajazet la chercher, sire, répondit la dame. — Non, je ne veux pas envoyer votre petit sultan païen si loin. Chiffinch m’a dit, je crois, que vous aviez compagnie, quelque cousine campagnarde, ou quelque chose d’approchant. N’y a-t-il ici personne comme cela ? — C’est une jeune provinciale, » dit mistress Chiffinch, s’efforçant de cacher son embarras ; « mais elle n’est pas préparée à l’honneur d’être admise en présence de Votre Majesté, et… — Et c’est justement le cas de la recevoir, Chiffinch : rien n’est si beau dans la nature que la première rougeur d’une petite paysanne placée entre la joie et la crainte, l’étonnement et la curiosité. C’est le duvet de la pêche ; par malheur il disparaît si vite ! Le fruit reste, mais son premier coloris et son parfum délicieux ont disparu. N’ouvre jamais la bouche sur ce sujet, Chiffinch, car c’est comme je te le dis. Ainsi je te prie de nous montrer ta belle cousine. »

  1. Reine des fées. a. m.