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satisfaire lui-même relativement à celle de sa fille. Il s’arma donc de courage pour cette épreuve terrible ; car il se rappelait les joues creuses, les yeux ternes, les mains maigres, les lèvres pâles de ses autres enfants, signes funestes qui avaient annoncé le déclin de leur santé et leur fin prématurée.

« Je vais reconnaître de nouveau ces présages de mort, se dit-il ; je vais voir encore une fois un être bien-aimé, auquel j’ai donné la vie, descendre au tombeau qui devait renfermer ma dépouille bien long-temps avant la sienne. N’importe ; c’est une faiblesse, impardonnable et indigne de l’homme de ne pas savoir supporter ce qui est inévitable : que la volonté de Dieu soit faite ! »

Il s’achemina donc le lendemain matin vers le château de Martindale, donna à lady Peveril l’assurance de la parfaite santé de son époux, et lui fit part des espérances qu’avait le chevalier de parvenir aux honneurs.

« Que Dieu soit loué pour la première des nouvelles que vous m’apportez ! s’écria lady Peveril ; quant à la seconde, il en sera ce qu’il plaira à notre gracieux souverain. Nous avons assez de titres et d’honneurs pour notre condition, et assez de fortune pour être heureux sans splendeur. Et maintenant, maître Bridgenorth, je reconnais que c’est folie de croire aux pressentiments funestes. Il est arrivé si souvent que les tentatives réitérées de sir Geoffrey en faveur des Stuarts ont tourné contre lui et l’ont conduit à de nouvelles infortunes, que, l’autre jour, lorsque je le vis revêtu de cette armure qui tant de fois lui devint funeste, et que j’entendis le son prolongé de la trompette, je crus voir son linceul et entendre la cloche de ses funérailles. Je vous dis cela, mon bon voisin, parce que je crains que votre esprit, ainsi que le mien, ne se soit abandonné à de tristes pressentiments qu’il peut plaire au ciel de démentir, comme il lui a plu de démentir les miens, et voici une preuve qui doit vous en donner l’assurance. »

La porte de l’appartement s’ouvrit comme elle parlait encore, et deux aimables enfants parurent. L’aîné, Julien Peveril, beau garçon de quatre à cinq ans, tenait par la main, avec un petit air de dignité et d’attention touchante, une petite fille de dix-huit mois, dont les pas encore chancelants étaient guidés et soutenus par son gentil protecteur.

Bridgenorth jeta à la hâte un regard craintif sur sa fille, et ce coup-d’œil rapide comme l’éclair suffit pour lui faire reconnaître, avec un délire qu’il serait difficile de peindre, que les terreurs de