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vous maintenant que vous êtes devenu honnête homme. — J’ai toujours eu intention de l’être, sir Geoffrey, » dit Bridgenorth avec calme. — « Bien, bien, je ne voulais pas vous offenser, reprit le chevalier ; je vous répète que tout va pour le mieux dans ce moment : ainsi partez pour Moultrassie-House, et moi je pars pour White-Hall. N’est-ce pas bien dit ? Allons, mon hôte, un verre de vin des Canaries à la santé du roi avant de monter à cheval. Mais j’oubliais, voisin, que comme presbytérien vous ne portez pas de santés. — Je fais des vœux pour la santé du roi aussi sincèrement que si j’avalais un gallon à son honneur, répondit le major : et je vous souhaite, sir Geoffrey, tout le succès que vous pouvez désirer dans votre voyage, et un heureux retour. »



CHAPITRE II.

LA VISITE AU CHÂTEAU.


Alors nous entendrons les bœufs mugir, et, mettant les tonneaux en perce, tournant le robinet, le sang coulera de nouveau ; mais ce sera celui des troupeaux, de la venaison et de la volaille, qui se mêlera à celui du vaillant et courageux John-Barley-Corn[1].
Vieille Comédie.


Quelles que fussent les récompenses que Charles fût disposé à accorder à Peveril du Pic pour sa loyauté et les persécutions qu’il avait souffertes, il n’en avait aucune à sa disposition qui pût égaler le plaisir que la Providence avait réservé à Bridgenorth à son retour dans le Derbyshire. Les devoirs qu’il venait de remplir avaient eu l’heureux effet de rendre à son âme, jusqu’à un certain point, l’énergie et l’activité que le malheur en avait fait momentanément disparaître, et il sentait que ce serait désormais une faiblesse impardonnable de se laisser retomber dans cette espèce de léthargie dont il venait de sortir. Le temps aussi, par son influence ordinaire, avait contribué à calmer la violence de ses regrets ; et quand il eut passé un jour entier à Moultrassie-House, sans recevoir sur la santé de sa fille les nouvelles que sir Geoffrey avait coutume de lui apporter chaque matin, il commença à réfléchir qu’il serait convenable, sous tous les rapports, d’aller faire une visite à Martindale-Castle pour porter à lady Peveril les souvenirs du chevalier son époux, l’assurer de sa bonne santé, et se

  1. C’est ainsi que par plaisanterie, en Angleterre, on appelle la bière ou l’orge qui a servi à la brasser a. m.