Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/377

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Mais une seule intrigue était trop peu de chose pour occuper l’esprit actif et entreprenant du duc. On créa aisément une ramification de la conspiration papiste, de manière à y envelopper la comtesse de Derby, que son caractère et sa religion rendaient très-propres à passer aux yeux de la partie crédule du public, pour complice d’une pareille trame. Christian et Bridgenorth se chargèrent de la tâche périlleuse de l’arrêter jusque dans son petit royaume de Man, et furent à cet effet munis de pleins pouvoirs qu’ils ne devaient produire que dans le cas où ils réussiraient à exécuter leur plan.

Il échoua, comme le lecteur le sait, grâces aux rapides préparatifs que la comtesse fît pour se défendre ; et ni Christian ni Bridgenorth ne jugèrent qu’il fût d’une saine politique d’agir ouvertement, même avec l’autorisation du parlement, contre une dame si peu habituée à hésiter sur l’emploi des mesures les plus propres à lui assurer sa souveraineté féodale. Ils pensèrent sagement qu’il pourrait bien se faire que l’omnipotence même du parlement (comme on disait alors dans un sens un peu trop large peut-être) ne garantît pas leurs personnes du danger auquel les exposerait une entreprise manquée.

Mais sur le continent de la Grande-Bretagne ils n’avaient aucune opposition à redouter ; et Christian était si exactement instruit de tous les mouvements qui avaient lieu dans la petite cour de la comtesse, que Peveril eût été arrêté au moment même où il mettait le pied sur le rivage, sans le coup de vent qui obligea le navire à prendre la direction de Liverpool. Christian, sous le nom de Ganlesse, l’y rencontra fort inopinément, et le sauva de la griffe des soi-disants témoins du complot, dans l’intention de se saisir de ses dépêches, ou même, s’il était nécessaire, de sa personne ; de manière à l’avoir tout à fait à sa discrétion : entreprise difficile et dangereuse, qu’il jugea plus convenable cependant de mettre à exécution que de laisser ces agents subalternes, toujours prêts à se mutiner contre ceux qui se liguaient avec eux, obtenir le crédit qu’ils n’auraient pas manqué d’acquérir par la saisie des dépêches de la comtesse de Derby. Il était d’ailleurs essentiel, pour les plans de Buckingham, que ces papiers ne passassent pas entre les mains d’un fonctionnaire public comme Topham, qui, bien que stupide et guindé, avait des intentions droites et honnêtes, et qu’elles ne fussent pas revues par un comité privé, où l’on eût pu probablement supprimer certaines choses, en suppo-