Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/371

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dans mon cœur, une voix fière me criait : Si tu le fais, c’est pour venger le sang de ton frère. — Malgré tout, mon frère, dit Bridgenorth, quoique je partage tes vues, et que je t’aie aidé contre cette femme moabite, je ne puis m’empêcher de considérer ta vengeance comme plus conforme à la loi de Moïse qu’à la loi d’amour. — Ce langage te sied bien, Ralph Bridgenorth, répondit Christian, à toi qui, il n’y a qu’un instant, souriais à la chute de ton ennemi. — Si tu entends parler de sir Geoffroy Peveril, dit Bridgenorth, je ne souris point à sa ruine. Il est bon qu’il soit humilié ; mais, quant à moi, si je cherche à rabaisser son orgueil, je n’eus jamais la pensée de ruiner sa maison. — Vous savez mieux que personne quels sont vos desseins, dit Christian, et je rends justice, frère Bridgenorth, à la pureté de vos principes ; mais les hommes qui ne voient qu’avec les yeux du monde auraient de la peine à reconnaître quelque intention de miséricorde dans le magistrat rigide, dans le créancier sévère que Peveril a trouvé en vous. — Et moi, frère Christian, » dit Bridgenorth, la couleur lui montant au visage à mesure qu’il parlait, « je ne doute pas non plus de l’excellence de vos desseins, et ne veux pas nier l’adresse surprenante avec laquelle vous vous êtes procuré des informations si exactes sur les projets de cette femme d’Ammon ; mais il m’est permis de penser que, dans vos relations avec la cour et les courtisans, vous pouvez, par une politique charnelle et mondaine, altérer le mérite de ces dons spirituels qui vous rendaient autrefois si célèbre parmi nos frères. — Ne craignez pas cela, » dit Christian, commençant à recouvrer le sang-froid qu’il avait un peu perdu dans cette discussion ; « travaillons seulement de concert comme nous l’avons fait jusqu’à présent, et j’espère que chacun de nous verra qu’il a dignement rempli le devoir d’un fidèle serviteur de cette vieille cause pour laquelle nous avons autrefois tiré l’épée. »

En parlant ainsi, il prit son chapeau, et, disant adieu à Bridgenorth, il lui annonça l’intention de revenir dans la soirée.

« Adieu, dit Bridgenorth ; tu me trouveras toujours partisan sincère et dévoué de cette cause. Je suivrai ton conseil, et je ne te demanderai pas même… quoique le cœur d’un père fasse ce sacrifice avec peine… dans quel lieu se trouve ma fille et à qui tu l’as confiée. J’essaierai de couper ma main droite, d’arracher mon œil droit afin de les jeter loin de moi. Pour toi, Christian, si tu te conduis en tout ceci autrement que la prudence et l’honnêteté