Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/370

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œuvre ? — On est fatigué de l’iniquité de cette cour, dit Christian ; et si cet homme veut continuer à régner, il ne peut le faire qu’en appelant dans ses conseils des gens d’une autre trempe. Les alarmes qu’excitent les menées damnables des papistes ont réveillé les âmes des hommes et ouvert leurs yeux sur les dangers de la situation présente. Lui-même (car il abandonnerait femme et frère pour se sauver) n’est pas éloigné d’un changement de mesures ; et quoique nous ne puissions pas voir tout d’abord l’ivraie séparée du bon grain et rejetée de la cour, néanmoins il y aura assez de bons pour surveiller les méchants, assez de gens du parti modéré pour obtenir la concession de cette tolérance universelle pour laquelle nous soupirons depuis si long-temps, comme une jeune fille pour son bien-aimé. Le temps et l’occasion ouvriront la voie à une réforme plus complète, et nous verrons s’accomplir, sans tirer le glaive, ce que nos amis ne parvinrent pas à établir sur des fondements durables, lorsque leurs épées victorieuses brillaient encore dans leurs mains. — Dieu veuille qu’il en soit ainsi ! dit Bridgenorth ; car mes scrupules, je le crains, m’empêcheraient désormais de rien faire qui pût de nouveau provoquer la guerre civile ; mais je verrai avec joie tout ce que nous obtiendrons par des moyens pacifiques et parlementaires. — Oui, dit Christian, et tout ce qui amènera les représailles sévères que nous devons à nos ennemis depuis si long-temps. Que d’années écoulées depuis que le sang de notre frère crie vengeance du haut des autels ! Bientôt cette barbare Française verra que ni le long intervalle du temps, ni ses amis puissants, ni le nom de Stanley, ni la souveraineté de Man, ne peuvent arrêter la marche terrible de celui qui poursuit la satisfaction du sang répandu. Son nom sera rayé des registres de la noblesse, et un autre s’emparera de son héritage. — Mais, frère Christian, dit Bridgenorth, ne mets-tu pas trop de chaleur dans ta vengeance ? Ton devoir, comme chrétien, est de pardonner à tes ennemis. — Oui, mais non pas aux ennemis du ciel, à ceux qui ont répandu le sang des saints, » reprit Christian, les yeux animés de cette expression véhémente et fougueuse qui parfois donnait à ses traits insignifiants le seul caractère de passion qu’ils montrassent jamais. « Non, Bridgenorth, continua-t-il, je regarde ces projets de vengeance comme sacrés, comme un sacrifice propitiatoire pour ce qui peut se trouver de mal dans ma vie. Je me suis soumis à être méprisé par l’orgueil, je me suis humilié jusqu’à la condition de valet ; mais,