Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/369

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cuteur, pour ce Julien Peveril ? — Je l’avoue, dit Bridgenorth, j’aurais donné et je donnerais encore le monde entier pour presser ce jeune homme sur mon sein et l’appeler mon fils. Le naturel de sa mère brille dans ses yeux, et sa démarche fière est celle de son père, lorsque chaque jour il m’apportait des paroles de consolation dans ma détresse, et me disait : « L’enfant vit. » — Mais le jeune homme ne marche, dit Christian, que d’après ses propres lumières, et prend dans son erreur le météore qui brille sur le marais pour l’étoile polaire. Ralph Bridgenorth, je te parlerai avec la sincérité d’un ami : il ne faut pas que tu penses servir à la fois et la bonne cause et Baal. Obéis, si tu veux, à tes affections charnelles ; appelle ce Julien Peveril dans ta maison, et fais-lui épouser ta fille. Mais songe à la réception qui l’attend auprès de ce vieux chevalier plein d’orgueil, dont la fierté même en ce moment est aussi peu abattue par le poids des fers, qu’elle l’était lorsque l’épée des saints triomphait à Worcester. Vois ta fille à ses genoux, et dédaigneusement repoussée comme une abjecte créature. — Christian, » dit Bridgenorth en l’interrompant, « tu me presses bien vivement ; mais tu le fais par amitié, mon frère, et je te le pardonne. Alice ne sera jamais repoussée avec dédain. Mais cette amie… cette dame… Tu es l’oncle de mon enfant, Christian ; tu es, après moi, celui qui lui doit le plus d’amour et d’affection : néanmoins tu n’es pas son père, tu n’as pas les craintes d’un père. Es-tu sûr de la moralité de la femme à qui ma fille est confiée. — Suis-je sûr de la mienne propre ? Suis-je sûr que mon nom est Christian et le vôtre Bridgenorth ? N’ai-je pas demeuré plusieurs années en cette ville ? Ne connais-je pas cette cour ? Est-il probable que l’on puisse me tromper ? Car je ne suppose pas que vous craigniez que je vous trompe moi-même. — Tu es mon frère, dit Bridgenorth ; tu es la chair et les os de la sainte que j’ai perdue, et je suis décidé à me confier à toi dans cette affaire. — Tu fais bien, dit Christian ; et qui sait quelle récompense t’est réservée ? Je ne puis regarder Alice sans avoir l’esprit fortement pénétré de l’idée que le ciel destine à quelque grande œuvre une créature si fort au-dessus des femmes ordinaires. L’intrépide Judith délivra Béthulie par son courage ; et les traits charmants d’Esther en firent la sauvegarde et la protectrice de son peuple sur la terre de captivité, lorsqu’elle eut attiré les regards bienveillants d’Assuérus. — Que la volonté du ciel s’accomplisse sur elle ! dit Bridgenorth. Et maintenant dis-moi quels progrès a faits la grande