Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/367

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il est de la dernière importance pour la réussite de notre plan, que Votre Grâce s’interpose quelque temps entre eux et la faveur royale. Le fils a sur cette jeune personne une influence qui ne serait guère favorable à nos vues ; en outre, elle a un père qui estime ce Julien autant qu’il peut estimer quiconque n’est pas comme lui fou de puritanisme. — À merveille, très chrétien Christian, dit le duc, vous m’avez donné vos ordres tout au long. Je ferai mon possible pour garder les alentours du trône de manière que ni le lord, ni le chevalier, ni le squire en question ne puissent s’introduire dans la place par surprise. Quant à la belle, je dois laisser à Chiffinch et à vous le soin de l’initier à ses hautes destinées, puisqu’on ne peut s’en rapporter à moi. Adieu, très-chrétien Christian. » Il fixa les yeux sur lui, et s’écria en fermant la porte de l’appartement : « Vil et damné coquin ! Mais ce qui m’indigne le plus, c’est la froide insolence du drôle. Votre Grâce fera ceci. Votre Grâce aura l’extrême bonté de faire cela. En vérité, je serais une jolie marionnette si je consentais à jouer le second rôle, ou plutôt le troisième dans une telle entreprise ! Non, non, ils marcheront tous comme je l’entends, ou je traverserai leurs desseins. Je découvrirai cette jeune fille en dépit d’eux, et je jugerai si leur plan a quelque apparence de succès. Dans ce cas, il faut qu’elle soit à moi, à moi entièrement, avant d’appartenir au roi, et je veux disposer de celle qui dirigera Charles. Jerningham ! (À cet appel, le gentilhomme entra.) Fais suivre Christian partout où il ira pendant vingt-quatre heures, et découvre le lieu où il va visiter une femme nouvellement arrivée. Tu ris, fripon ? — Je ne faisais que soupçonner quelque nouvelle rivale pour Araminte et la petite comtesse, dit Jerningham. — À ton affaire, impertinent, dit le duc, et laisse-moi penser aux miennes… Subjuguer une belle puritaine, la future maîtresse du roi, la perle des beautés de l’Ouest : voilà le premier point. Punir l’insolente fatuité de ce métis de Man, rabaisser l’orgueil de madame la duchesse, favoriser ou déjouer une importante intrigue d’état, selon que les circonstances le requerront pour mon honneur et pour ma gloire : voilà le second… Il n’y a qu’un moment que je désirais de l’occupation, et je crois maintenant en avoir assez. Mais Buckingham tiendra lui-même le gouvernail pour résister aux vents et braver les écueils. »