Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/361

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coups de bâton toutes les couleurs de l’arc en ciel, il ne faudra plus croire au dépit des femmes, à la dureté du pommier et à la vigueur du chêne : la colère d’Araminte seule serait un fardeau trop pesant pour une paire d’épaules ordinaires. — Mais, milord duc, ce Settle[1] est un coquin si stupide que rien de ce qu’il écrit ne peut prendre dans le monde. — Hé bien, comme nous lui avons donné de l’acier pour armer les flèches, dit le duc, nous lui donnerons des plumes pour les garnir ; quant au bois, il en a suffisamment sur la tête pour qu’elles soient bien montées. Donne-moi ma satire commencée, remets-la-lui avec les lettres, et qu’il fasse de tout cela ce qu’il pourra. — Je vous demande pardon, milord, mais le style de Votre Grâce sera reconnu ; et quoique toutes ces lettres soient sans signature, les belles dames seront faciles à reconnaître. — C’est précisément ce que je veux, idiot. As-tu vécu si long-temps avec moi pour ne pas savoir que l’éclat d’une intrigue vaut mieux pour moi que tout le reste ? — Mais le danger ? milord duc, reprit Jerningham ; il y a des maris, des frères, des amis dont la vengeance peut se réveiller… — Et se rendormir, lorsqu’ils auront été battus, » dit Buckingham avec hauteur : « j’ai Blackwill et son bâton à mon service pour ces grondeurs plébéiens. — Quant à ceux d’un rang supérieur, je m’en charge : depuis quelque temps j’ai besoin de prendre l’air et de faire de l’exercice. — Mais, milord… — Paix ! fou que vous êtes ! Je vous dis que votre esprit nain ne peut s’élever à la hauteur du mien. Je te dis que je voudrais que le cours de ma vie fût un torrent. Je suis las des succès faciles, et je demande des obstacles pour les renverser par mon pouvoir irrésistible. »

En ce moment, un autre gentilhomme du duc entra dans la chambre.

« Je demande humblement pardon à Votre Grâce, mais M. Christian demande avec tant d’importunité à être admis en votre présence, que je suis obligé de venir prendre les ordres de Votre Grâce. — Dites-lui de revenir dans trois heures. Le diable soit de cette caboche politique, qui voudrait faire danser tout le monde avec sa flûte ! — Je vous remercie du compliment, milord, » dit Christian, en entrant dans l’appartement, vêtu quelque peu en courtisan, mais conservant toujours le même air sans gêne et peu distingué, le même ton d’indifférence et de calme qu’il avait montré à Julien chaque fois qu’il l’avait rencontré. « Mon but,

  1. Poète dramatique médiocre que l’envie opposait à Dryden. a. m.