Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/360

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grands mois que cela dure. — Celui-ci a été donné à un des pages par la femme de chambre de milady… — Que la peste l’étouffe ! C’est une jérémiade sur le parjure et l’infidélité ; ce sont d’antiques paroles sur un vieil air, » dit le duc en jetant un coup d’œil sur le billet. « Voyons la complainte : « Homme cruel !… serment rompu !… juste vengeance du ciel ! » Cette femme pensait au meurtre et non à l’amour en m’écrivant ; on ne devrait pas songer à écrire sur un sujet aussi usé, sans avoir au moins quelques expressions nouvelles. « Signé la désespérée Araminte. » Adieu donc, belle désespérée. Et celui-ci d’où vient-il ? — Il est arrivé par la fenêtre du vestibule : un grand drôle, après l’avoir jeté, s’est sauvé à toutes jambes. — Le texte en est meilleur, dit le duc ; et cependant c’est encore une vieille affaire qui date au moins de trois semaines : c’est la petite comtesse au mari jaloux. Je ne donnerais pas un farthing d’elle, sans ce mari-là. Que le diable l’emporte aussi ! il est parti pour la campagne. « Ce soir en silence et en toute sûreté. Écrit avec une plume arrachée de l’aile de Cupidon. » Ma foi, comtesse, vous lui en avez laissé encore assez pour qu’il s’envole ; vous auriez mieux fait de les lui arracher toutes, pendant que vous le teniez, ma cher lady : continuons. « Pleine de confiance dans la fidélité de son Buckingham. » Je déteste la confiance dans une jeune personne ; il faut lui apprendre à vivre : je n’irai pas. — Votre Grâce ne sera pas si cruelle, dit Jerningham. — Tu as un cœur bien compatissant, Jerningham ; mais il faut punir la présomption. — Et si la fantaisie de Votre Grâce pour elle venait à renaître ? — Eh bien, dans ce cas, tu jureras que le billet doux ne m’a pas été remis. Écoute, il me vient une pensée : il faut que ce billet s’égare et avec éclat. Dis-moi quel est le nom de cette façon de poète qui est là-bas ? — J’en ai compté six, milord, qui, si j’en juge par les rames de papier dont leurs poches sont gonflées, et par les coudes usés de leurs habits, me paraissent porter la livrée des Muses. — Encore du langage poétique, Jerningham. Je veux parler de celui qui a fait la dernière satire. — Et auquel Votre Grâce a fait l’honneur de promettre cinq pièces d’or et des coups de bâton, reprit Jerningham. — Justement l’argent pour la satire, et la bastonnade pour les louanges : va le trouver, donne-lui les cinq pièces d’or, et jette-lui le billet doux de la comtesse. Tiens, prends aussi celui d’Araminte et les autres ; glisse-les tous dans son portefeuille : ils en sortiront au café des beaux-esprits ; et si celui qui les montrera ne prend pas sous les