CHAPITRE XXVIII.
LE DUC DE BUCKINGHAM.
Il faut maintenant transporter le lecteur dans le magnifique hôtel où demeurait à cette époque le célèbre George Williers, duc de Buckingham, que Dryden a condamné à une immortalité assez fâcheuse par le peu de vers cités en tête de ce chapitre.
Parmi les courtisans dissipateurs et licencieux de la cour de Charles II, le duc se distinguait par ses folies et ses débauches. Cependant, tout en prodiguant une fortune de prince, une santé vigoureuse et des talents supérieurs pour se donner des plaisirs frivoles, il n’en nourrissait pas moins des desseins plus profonds et plus étendus ; et s’il échoua, c’est qu’il manquait de cette fermeté de résolution, de cette persévérance constante, si essentielles dans toutes les grandes entreprises, et particulièrement en politique.
Il était plus de midi, et l’heure habituelle du lever du duc, si l’on peut dire qu’il y eût quelque chose d’habituel dans une maison où régnait l’irrégularité, était passée depuis long-temps. Le vestibule était plein de laquais et de valets de pied, couverts de livrées brillantes ; les appartements intérieurs étaient encombrés des gentilshommes et des pages de sa maison, vêtus comme des gens de la plus haute distinction, et surpassant, plutôt qu’égalant, sous ce rapport, la splendeur personnelle du duc lui-même. Son antichambre surtout pouvait être comparée à un rassemblement nombreux d’aigles impatients de dévorer leur proie, si toutefois cette comparaison n’est pas trop noble pour cette race vile et rampante de gens qui, tous visant au même but par mille moyens différents, vivent des besoins d’une grandeur nécessiteuse, fournissent aux plaisirs d’un luxe effréné, ou stimulent les désirs insensés et bizarres d’une extravagante prodigalité, en imaginant de nouvelles modes et de nouveaux motifs de profusion. On voyait