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féré par le révérend M. Solsgrace, prédicateur devenu célèbre par un sermon de trois heures, qu’il prêcha une fois devant la chambre des communes, lors des actions de grâces qui furent rendues au ciel pour la délivrance d’Exeter. Quant à sir Geoffrey Peveril, il eut soin de s’absenter du château tout le jour, et ce ne fut que par le soin particulier qu’il prit de faire laver, parfumer, purifier la petite maison d’été, que l’on put se douter qu’il avait été informé de la cérémonie.

Mais quels que fussent les préjugés du bon chevalier contre la croyance religieuse de son voisin, ils n’influèrent nullement sur les sentiments de compassion que ses malheurs lui avaient inspirés. La manière dont il lui témoignait sa sympathie offrait assez de singularité ; mais elle était parfaitement conforme au caractère de l’un et de l’autre, et au genre de relations qu’ils avaient conservées ensemble.

Chaque matin, Moultrassie-House était le terme de sa promenade à pied ou à cheval, et jamais il ne manquait d’adresser en passant un mot de bienveillance à son voisin. Quelquefois il entrait dans le vieux salon, où le maître de la maison, assis dans la solitude et le silence, s’abandonnait à sa douleur ; mais plus souvent (car sir Geoffrey n’avait pas de grandes prétentions au talent de la conversation) il s’arrêtait sur la terrasse, et, s’approchant de la fenêtre garnie de treillage, il s’écriait : « Comment vous portez-vous, maître Bridgenorth (jamais le chevalier n’accordait à son voisin le titre militaire de major) ? comment vous portez-vous ? Je suis venu pour vous dire de prendre bon courage. Julien va bien, la petite Alice va bien, tout le monde va bien à Martindale-Castle. »

Un profond soupir, accompagné quelquefois d’un « Je vous remercie, sir Geoffrey, mes hommages et ma reconnaissance à lady Peveril, » était sa seule réponse. Mais ces nouvelles n’en étaient pas moins reçues avant autant de plaisir d’un côté qu’on en avait éprouvé de l’autre à les apporter. De jour en jour, elles devinrent plus chères, elles furent plus impatiemment attendues ; la croisée à treillage cessa d’être fermée, et le grand fauteuil placé auprès ne manqua plus d’être occupé quand l’heure ordinaire de la visite du baron approchait. Enfin l’attente de ce moment, qui passait si rapidement, devint le pivot sur lequel les pensées du pauvre Bridgenorth tournaient pendant tout le reste de la journée. La plupart des hommes ont connu, à quelque époque de leur vie, l’influence de ces moments si courts, mais décisifs. L’instant, par