Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/300

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vous regarde pas. Moi, des torts envers lui ! Le lâche coquin n’a eu de moi que ce qu’il méritait. Si j’avais bâtonné convenablement le vilain chien la première fois qu’il a aboyé après moi, il ramperait maintenant à mes pieds, au lieu de me sauter à la gorge. Mais si je puis me tirer de cette affaire, comme je me suis tiré de beaucoup d’autres plus difficiles, je veux lui solder tous mes vieux comptes, autant que me le permettra le bois de pommier le plus dur et le mieux ferré. — Sir Geoffrey, répliqua Bridgenorth, si la naissance, dont vous êtes si orgueilleux, vous ferme les yeux sur les meilleurs principes, elle devrait au moins vous apprendre à être plus poli. De quoi vous plaignez-vous ? Je suis magistrat, et comme tel je fais exécuter le mandat qui m’est adressé par la première autorité de l’État. Je suis de plus votre créancier, et la loi me donne le droit de retirer ma propriété des mains d’un débiteur imprévoyant. — Vous, magistrat ! s’écria le chevalier ; magistrat comme Noll était monarque. Vous êtes tout fier, je le parie, parce que vous avez obtenu votre pardon du roi, et parce que vous avez été replacé parmi ceux qui sont chargés de persécuter les pauvres papistes. Jamais il n’y a de troubles dans un État sans que les fripons y trouvent leur avantage ; jamais la marmite ne bout sans que l’écume surnage. — Pour l’amour de Dieu, mon cher mari, dit lady Peveril, cessez de parler ainsi ! Vous ne faites qu’irriter le major Bridgenorth, qui sans cela considérerait peut-être l’esprit de charité… — L’irriter ! » reprit sir Geoffrey avec impatience ; « par la mort dieu, madame, vous me rendrez fou ! Avez-vous vécu si long-temps dans ce monde pour attendre des égards et de la charité d’un vieux loup affamé comme celui-ci ? Et quand même il en aurait, croyez-vous que moi, et vous, la femme de sir Peveril, nous devions recourir à sa charité ? Julien, mon pauvre garçon, je suis fâché que tu sois venu si mal à propos, et que ton pistolet n’ait pas été mieux chargé : voilà ta réputation de bon tireur perdue à jamais. »

Ce colloque, auquel présidait la colère, se passa si rapidement de part et d’autre, que Julien, à peine revenu de sa surprise, n’eut pas le temps de considérer de quelle manière il devait se conduire pour servir utilement ses parents. Parler avec calme et avec raison à Bridgenorth lui parut le parti le plus sage ; mais son orgueil ne pouvait que difficilement s’y soumettre. Il s’y détermina pourtant. « Major, » lui dit-il avec le plus de sang-froid qu’il put en montrer, « puisque vous agissez comme magistrat, je désire