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même déférence qu’il lui avait témoignée dans les premiers temps de leur liaison. Il faut rendre au major Bridgenorth la justice de dire que cette conduite lui était dictée par autant de respect pour les malheurs de sir Peveril que pour les prétentions de son noble voisin, et qu’avec la généreuse franchise d’un véritable Anglais il cédait sur bien des points de cérémonial qui lui étaient fort indifférents, et le faisait uniquement parce qu’il était convaincu que cette condescendance était agréable à sir Geoffrey.

Peveril du Pic, sachant apprécier la délicatesse de son voisin, consentit à oublier bien des choses. Il oublia que le major Bridgenorth était déjà en possession de plus d’un bon tiers de ses domaines, et qu’il avait, par suite de plusieurs sommes prêtées, de grands droits sur l’autre tiers. Il essaya même d’oublier, ce qui était beaucoup plus difficile, la différence actuelle de leur situation respective et de leurs habitations.

Avant la guerre civile, les bâtiments superbes et les tours orgueilleuses de Martindale-Castle situé sur un rocher assez élevé, dominaient sur le manoir en brique que l’on apercevait à peine à travers les arbres, comme un chêne de la forêt de Martindale aurait dominé sur l’un des arbres maigres et rabougris dont Bridgenorth avait symétriquement orné son avenue. Mais après le siège dont il a déjà été question, le manoir de Moultrassie, augmenté et embelli, parut bientôt aussi supérieur au castel ruiné et dévasté de Martindale, dont une seule aile était restée habitable, que le jeune hêtre dans toute la vigueur de sa croissance l’aurait été au vieux chêne dépouillé de ses rameaux et frappé par la foudre, dont une moitié joncherait la terre de ses débris, et dont l’autre encore debout n’offrirait que l’aspect affligeant d’un tronc noirci et déchiré, sans végétation et sans feuillages. Sir Geoffrey ne pouvait s’empêcher de reconnaître que sa situation et celle de son voisin avaient subi un changement aussi désavantageux pour lui que l’extérieur de leurs habitations, et que, si ce même partisan du parlement, ce même membre du comité des séquestres, qui n’avait employé son crédit que pour protéger le cavalier royaliste, l’avait employé d’une autre manière, il lui eût été facile d’assurer sa ruine totale ; et que, d’après cela, lui, sir Peveril, était devenu l’obligé, tandis que Bridgenorth pouvait se dire le protecteur.

Indépendamment de la nécessité des circonstances et de l’avis constant de lady Peveril, il y avait deux considérations qui déterminaient Peveril du Pic à supporter avec quelque patience