Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/292

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naître en quelques autres, et si propres en un mot à retarder le voyageur, qu’en dépit de tous les efforts de Julien, et quoiqu’il ne se fût arrêté que le temps nécessaire pour faire rafraîchir son cheval à un petit hameau, il était nuit lorsqu’il atteignit une petite éminence d’où les créneaux de Martindale auraient été visibles une heure plus tôt. Mais on pouvait au moins, dans l’obscurité reconnaître où était situé le château, par le moyen d’une lumière entretenue constamment sur une tour fort élevée, qu’on nommait la Tour d’Observation ; et cette espèce de fanal domestique était connu dans tous les environs sous le nom de l’Étoile polaire de Peveril.

On l’allumait régulièrement chaque soir à l’heure du couvre-feu, en y mettant assez de bois et de charbon pour qu’il durât jusqu’au lever du soleil ; et jamais cette précaution n’était négligée, si ce n’est pendant l’intervalle qui s’écoulait entre la mort d’un seigneur du château et son enterrement. Quand cette dernière cérémonie était terminée, on rallumait le fanal avec une certaine solennité, et il continuait à luire sans interruption jusqu’à ce que le destin eût appelé le nouveau seigneur dans le tombeau de ses ancêtres. On ignore à quelle circonstance ce fanal dut son origine ; la tradition n’en parle que d’une manière fort douteuse. Selon les uns, c’était un signal hospitalier qui jadis servait à guider vers un lieu de repos le chevalier errant ou le pèlerin fatigué ; selon d’autres, une dame de Martindale avait autrefois allumé ce feu conducteur pour un époux tendrement aimé, qui s’était égaré pendant une nuit orageuse. Les gens moins disposés pour les seigneurs du Pic, et surtout les non-conformistes, attribuaient l’origine et la continuation de cette coutume à l’orgueil présomptueux des Peveril, qui avaient voulu rappeler de cette manière leur ancienne suzeraineté sur le pays environnant, à l’exemple de l’amiral qui attache une lanterne à la poupe de son vaisseau pour guider la flotte. Aussi notre vieil ami, le docteur Solsgrace, avait-il autrefois tonné du haut de la chaire contre sir Geoffrey, qu’il accusait d’avoir placé sa trompette de gloire et son chandelier sur les hauts lieux. Une chose certaine, c’est que tous les Peveril, de père en fils, avaient conservé scrupuleusement cette coutume, comme liée essentiellement à la dignité de leur famille ; et sir Geoffrey n’était pas homme à la laisser tomber en désuétude.

En conséquence, l’étoile de Peveril avait continué à briller avec plus ou moins d’éclat pendant les vicissitudes de la guerre civile,