Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/281

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veril regardait tous ces apprêts avec surprise. Examinant de nouveau son compagnon Ganlesse d’un œil attentif, il ne put s’empêcher de remarquer, avec le secours de l’imagination peut-être, que, bien que son extérieur et ses traits n’eussent rien de distingué, et que ses vêtements fussent ceux de l’indigence, il y avait dans toute sa personne et dans ses manières cette aisance indéfinissable qui n’appartient qu’aux gens d’une haute naissance, ou à ceux qui ont l’habitude de fréquenter la meilleure société. Son ami, qu’il appelait Will Smith, quoique grand, de bonne mine, et beaucoup mieux vêtu que lui, n’avait pas le même bon ton, et était obligé d’y suppléer par une dose proportionnée d’assurance. Quels étaient donc ces deux personnages ? Peveril ne pouvait pas même le soupçonner. Tout ce qu’il avait pu faire, c’était d’observer leurs manières et d’écouter leur conversation.

Après avoir parlé un moment à voix basse, Smith dit à son compagnon : « Il faut que nous allions donner un coup d’œil à nos chevaux pendant dix minutes, et que nous laissions Chaubert remplir ses fonctions. — Ne paraîtra-t-il pas pour nous servir ? demanda Ganlesse. — Qui ? lui ! changer une assiette ou présenter un verre ! vous oubliez donc de qui vous parlez. Un tel ordre suffirait pour qu’il se perçât de son épée. Il est déjà presque au désespoir, parce qu’on n’a pu avoir d’écrevisses. — Quel malheur, s’écria Ganlesse ; le ciel me préserve d’ajouter encore à une telle calamité ! Allons donc à l’écurie ; nous verrons si nos coursiers mangent leur provende, pendant qu’on nous prépare la nôtre. »

Ils se rendirent en conséquence à l’écurie, qui, bien que misérable, avait été promptement fournie de tout ce qui pouvait être nécessaire à quatre excellents chevaux, parmi lesquels était celui que venait de monter Ganlesse ; le groom[1] s’occupait à l’étriller à la lueur d’un gros cierge.

« Voilà comme je suis catholique, » dit Ganlesse, en riant, et en voyant Peveril remarquer avec étonnement cette preuve d’extravagance. « Mon cheval est un saint, et je lui brûle un cierge. — Sans demander une aussi grande faveur pour le mien, que je vois là-bas, derrière cette vieille cage à poulets, répliqua Peveril, je vais du moins le débarrasser de sa selle et de sa bride. — Le palefrenier se chargera de cela, dit Smith, il ne vaut pas la peine qu’un autre y touche ; et je vous jure que, si vous desserrez une seule de ses boucles, vous vous ressentirez tellement de cette

  1. Valet d’écurie. a. m.