Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/277

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legio Parliamenti, pourrait, malgré l’abondance de cette denrée, valoir encore vingt ou trente pièces d’or. — Vous paraissez me connaître, monsieur, dit Peveril, et s’il en est ainsi, je crois que je puis vous demander franchement dans quel dessein vous persistez à m’accompagner, et ce que signifie tout ce persiflage. Si vous voulez simplement plaisanter, je puis le supporter jusqu’à un certain point, bien que cela soit passablement incivil de la part d’un étranger ; si vous avez quelque autre dessein, faites-le-moi connaître. Je ne suis pas homme à souffrir une mystification. — Fort bien maintenant, » répondit-il en riant ; « mais vous prenez feu très-inutilement. Un fuoriscito[1] italien, quand il désire un pourparler, vous couche en joue de derrière un mur avec une longue escopette, et entame la conférence par un Posso tirare. De même un vaisseau de ligne tire un coup de canon dans l’épaule d’un navire contrebandier, pour l’avertir d’amener ; de même aussi je prouve à monsieur Julien Peveril que, si je faisais partie de l’honorable société de faux témoins et de délateurs avec lesquels son imagination veut bien me confondre depuis deux heures, il serait déjà exposé au danger qu’il a probablement raison de craindre. » Alors quittant le ton d’ironie qu’il avait gardé jusque-là : « Jeune homme, ajouta-t-il, quand la peste s’est répandue dans toute une ville, c’est vainement que l’on veut éviter la maladie en cherchant à s’isoler et en fuyant le contact de ses compagnons de souffrance. — Comment donc alors se préserver du danger ? » demanda Peveril, qui cherchait à pénétrer les secrètes intentions de son interlocuteur.

« En suivant les conseils de sages médecins, — Est-ce comme tel que vous m’offrez les vôtres ? demanda Julien. — Pardonnez-moi, jeune homme, » dit l’étranger avec hauteur, « je n’ai aucune raison pour vous en offrir. Je ne suis pas, » continua-t-il en reprenant son ton ironique ; « payé pour être votre médecin. Je ne vous offre point mes avis ; je dis seulement qu’il serait prudent à vous d’en demander. — Et d’où puis-je en espérer ? de qui puis-je en attendre ? J’erre dans ce pays comme un homme qui rêve, tant il a changé en peu de mois ! Ceux qui ne songeaient autrefois qu’à s’occuper de leurs propres affaires se sont jetés à corps perdu dans la politique ; et d’autres, qui jadis n’avaient que la crainte d’aller se coucher sans souper, tremblent de peur que l’État n’éprouve soudainement quelque grande convulsion. Par-dessus tout

  1. Un bandit. a. m.