Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/270

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qu’il mit à lui ôter son bonnet poudreux. L’hôtesse lui fit une révérence jusqu’à terre.

Les chevaux des deux voyageurs ayant été amenés, ils les montèrent et se disposèrent à partir ensemble. L’hôte et sa femme se tenaient sur la porte pour assister à leur départ. Le meunier offrit à l’étranger le coup de l’étrier, tandis que l’hôtesse présentait à Peveril un verre de son vin favori. Elle était grimpée à cet effet sur un banc qui servait de montoir pour les cavaliers, et tenait d’une main un flacon, de l’autre un verre, de manière qu’il ne fût pas difficile à Julien, quoiqu’il fût à cheval, de répondre à sa politesse d’une manière galante, c’est-à-dire, en allongeant le bras autour du cou de l’hôtesse et en l’embrassant.

Dame Whitecraft ne put se refuser à cette civilité tant soit peu familière, placée comme elle était, et les mains embarrassées d’objets précieux qu’elle exposait évidemment à être brisés en cherchant à se défendre. Elle avait sans doute aussi quelque autre pensée dans l’esprit ; car, après une légère apparence d’opposition, elle permit à Peveril d’approcher son visage du sien, et se hâta de lui dire à l’oreille : « Méfiez-vous des embûches ; » avis effrayant dans un temps de soupçons et de trahisons, avis aussi efficace pour empêcher toutes les relations franches et sociales, que l’est pour la sûreté d’un verger l’écriteau qui annonce qu’on y a placé des trappes et des fusils à ressort. Julien lui serra la main pour lui faire entendre qu’il l’avait comprise ; elle pressa la sienne en retour, et lui dit qu’elle priait Dieu de lui accorder un prompt et heureux voyage. Quand à John Whitecraft, il y avait un nuage sur son front, et il s’en fallut de moitié que son dernier adieu fût aussi cordial que celui qui l’avait précédé. Mais Peveril réfléchit que le même voyageur n’est pas toujours également bien vu de l’hôte et de l’hôtesse ; et, ne soupçonnant pas qu’il eût rien fait dont Whitecraft pût être mécontent, il se remit en chemin sans s’inquiéter davantage de ce changement d’humeur.

Il ne fut pas peu surpris ni contrarié lorsqu’il s’aperçut que son compagnon de table suivait la même route que lui. Beaucoup de raisons lui faisaient désirer de voyager seul, et les derniers paroles de la meunière retentissaient encore à son oreille. Si cet homme possédait autant de finesse et de subtilité que sa conversation le donnait à penser ; si, sous ces habits, qui n’étaient pas ceux de son rang, comme cela était probable, se cachait un jésuite ou tout autre prêtre de séminaire voyageant pour opérer des con-