Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans une espèce d’étable, où pourtant il ne manqua ni de foin ni de litière.

Après s’être assuré qu’on avait convenablement pourvu aux besoins de l’animal dont sa sûreté dépendait, Peveril entra dans la cuisine, qui servait en même temps de salon et de salle à manger, et il demanda ce qu’on pouvait lui donner pour se réconforter. Il apprit à sa grande satisfaction qu’il n’y avait qu’un seul étranger dans l’auberge ; mais cette satisfaction diminua beaucoup quand il sut qu’il fallait ou partir sans dîner, ou se résoudre à partager avec l’étranger les seules provisions qui se trouvaient pour le moment dans l’auberge, et qui consistaient en un plat de truites et d’anguilles pêchées par l’hôte dans le courant qui faisait tourner la roue de son moulin.

À la requête particulière de Julien, l’hôtesse s’engagea à ajouter un plat substantiel d’œufs au lard, ce qu’elle n’eût peut-être pas fait, si l’œil perçant de Peveril n’eût découvert la tranche de lard suspendue dans sa retraite enfumée : comme elle ne pouvait en nier l’existence, force lui fut d’en donner une partie pour le dîner.

C’était une femme d’environ trente ans, agréable et de bonne mine, qui par son air d’enjouement faisait honneur au meunier son époux. Elle était assise alors sous le manteau d’une vaste et antique cheminée, centre des occupations qui lui étaient dévolues, et préparait avec activité les mets nourrissants qui réparent les forces du voyageur fatigué, et le disposent à se remettre joyeusement en chemin. Bien que la bonne femme eût paru d’abord très-peu disposée à se donner beaucoup de peine pour Julien, cependant la belle tournure, la figure agréable et les manières polies de son nouvel hôte attirèrent bientôt une grande partie de son attention, et, tout en s’occupant des préparatifs du dîner, elle le regardait de temps en temps avec un air de complaisance qui semblait aussi révéler un sentiment de pitié. La fumée qui s’exhalait de la poêle où étaient le lard et les œufs se répandit dans toute la cuisine, et le frémissement de cette friture savoureuse faisait chorus avec le bouillonnement de la casserole où le poisson cuisait à petit feu. La table fut couverte d’une nappe fort propre, et tout était déjà prêt pour le repas que Julien commençait à attendre avec impatience, quand le compagnon qui devait le partager avec lui entra dans la salle.

Dès le premier regard, Julien reconnut, à sa grande surprise,