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connaissant assez bien le pays, il espérait arriver au château de Martindale avant l’honorable M. Topham, dont la selle devait d’abord être rembourrée, et qui, une fois à cheval, marcherait probablement avec toutes les précautions d’un homme qui redoute les conséquences d’un trot rude et fatigant.

D’après ces réflexions, Julien prit la route de Warrington, ville qu’il connaissait parfaitement, mais où il ne songea point à s’arrêter ; et, traversant le Mersey, il se dirigea vers Dishley, sur les frontières du Derbyshire. Il eût atteint ce dernier village sans peine, si son cheval avait été plus propre à une marche forcée ; mais, dans le cours de son voyage, il eut plus d’une fois occasion de maudire la dignité officielle de celui qui l’avait privé si mal à propos d’une meilleure monture.

Après avoir suivi le chemin qui lui parut le plus direct dans un pays dont il n’avait que des notions très-générales, il se vit enfin obligé de faire halte près d’Altringham, et ne fut plus occupé que du soin de chercher un endroit tranquille et isolé pour se reposer. Il vit bientôt un petit hameau dont la maison la plus considérable était à la fois un moulin et une auberge. L’enseigne qui annonçait la double et honnête profession du propriétaire, John Whitecraft, représentait un chat (fidèle allié du meunier pour la défense des sacs de farine), mais un chat botté comme le Grimalkin des contes de fées[1], et jouant du violon pour se donner plus de grâce.

Cet endroit promettait au voyageur qui voulait garder l’incognito, sinon toutes ses commodités, du moins une retraite plus sûre qu’une hôtellerie très-fréquentée. Julien descendit donc de cheval à l’auberge du Chat botté qui joue du violon.



CHAPITRE XXI.

L’ÉTRANGER.


Dans ces temps de trouble, chacun redoute les stratagèmes sanguinaires des têtes ardentes.
Otway.


En mettant pied à terre, Julien reçut tous les soins respectueux que l’on rend ordinairement aux voyageurs qui se présentent dans une auberge d’un ordre inférieur. Son cheval fut conduit par un rustre en guenilles, qui remplissait le rôle de valet d’écurie,

  1. Espère de Rominagrobis, invoqué par les sorcières de Macbeth, dans Shakspeare. a. m.