Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le bâtiment fut donc mis sous le vent, et marcha avec rapidité. Mais le capitaine, alléguant des raisons de prudence, refusa d’entrer dans l’embouchure du Mersey pendant la nuit ; et ce ne fut que le lendemain que Peveril eut la satisfaction d’aborder sur le quai de Liverpool, qui montrait déjà les symptômes de cette prospérité commerciale parvenue depuis à un si haut degré.

Le capitaine, qui connaissait parfaitement cette ville, indiqua à Julien une auberge passable, fréquentée principalement par les marins. Ce n’est pas que Peveril fût entièrement étranger dans Liverpool où il était déjà venu ; mais il ne jugea pas à propos de se montrer alors dans aucun endroit où il pût être reconnu. Il prit congé du capitaine après l’avoir forcé, non sans quelque peine, à accepter une petite récompense pour les gens de son équipage. Quant au prix du passage, le capitaine le refusa obstinément, et tous deux se séparèrent de la manière la plus polie.

L’auberge était remplie d’étrangers, de marins et de commerçants, tous occupés de leurs affaires, et les discutant avec cette vivacité bruyante si ordinaire dans un port de mer où le commerce a une certaine activité. Mais à ces entretiens, qui roulaient presque tous sur des affaires de négoce, il se mêlait un sujet général de conversation qui paraissait intéresser également tous ceux qui étaient présents, de manière qu’au milieu de discussions sur le fret, le tonnage, les staries et autres choses pareilles, on distinguait ces mots prononcés avec colère : « Complot damnable ! maudit complot ! odieux et sanguinaires papistes ! Le roi est en danger ! La potence est trop douce pour eux ! » etc.

Il était évident que la fermentation qui régnait à Londres s’était étendue jusqu’à ce port éloigné, et qu’elle s’y développait avec cette violence orageuse qui donne aux habitants des bords de la mer quelque analogie avec les vagues et les vents auxquels ils sont si habitués. Les intérêts commerciaux et maritimes de l’Angleterre étaient anti-catholiques, bien qu’il ne soit peut-être pas facile d’en donner la raison, puisque les disputes théologiques ne paraissaient y avoir aucun rapport. Mais il arrive communément que, dans les classes inférieures du peuple, le zèle est en raison inverse des connaissances : aussi les marins se montraient-ils d’autant plus ardents pour le protestantisme, qu’ils ne comprenaient pas un mot à la controverse des deux Églises. Quant aux marchands, ils étaient presque tous ennemis jurés de la noblesse du Lancashire et du Cheshire, dont la plus grande partie était en-