Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/252

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Enfin, comme si les remontrances multipliées de Julien l’eussent forcée de s’expliquer, elle le saisit tout à coup par le bras, pour fixer son attention, jeta à la hâte un regard autour d’elle comme pour s’assurer qu’elle n’était point observé, puis, passant l’autre main en travers sur son cou gracieux, elle lui montra la barque et le château, et fit encore un mouvement de tête négatif. Tout ce qu’il put conclure de ces signes, c’est qu’il était menacé de quelque danger personnel, dont elle croyait que sa présence pouvait le préserver. Quelle que fût son idée, sa résolution paraissait irrévocablement prise ; du moins il était clair qu’il n’avait aucun pouvoir de l’en détourner. Il fallait donc qu’il attendît la fin de cette courte traversée pour se débarrasser de sa compagne ; jusque là, puisque rien ne détruisait le soupçon qu’elle avait conçu pour lui un attachement funeste, ce qu’il avait à faire de mieux, dans l’intérêt de la jeune fille et pour sa propre dignité, c’était de se tenir aussi éloigné d’elle que les circonstances le permettraient. En conséquence, il lui fit le signe dont elle avait coutume de se servir pour annoncer qu’elle allait se coucher, et lui ayant ainsi conseillé d’aller se reposer, il demanda qu’on le conduisît à sa chambre.

Le capitaine s’empressa de le satisfaire, et il se jeta dans son hamac pour y chercher le repos que l’exercice et l’agitation du jour précédent, ainsi que l’heure avancée de la nuit, lui rendaient si nécessaire. Un sommeil profond et lourd s’empara de lui promptement ; mais ce sommeil dura peu. Julien fut d’abord troublé par les cris d’une femme, puis il crut entendre distinctement la voix d’Alice Bridgenorth l’appeler par son nom.

Il s’éveilla, et se levant brusquement pour sauter à bas de son lit, il reconnut au balancement du hamac et au mouvement du navire qu’il était abusé par un rêve. Cependant, il doutait encore : tant l’impression qu’il venait d’éprouver avait été vive ! Les cris : Julien Peveril, au secours ! Julien Peveril ! » retentissaient encore à son oreille. Ces accents étaient bien ceux d’Alice, et il avait peine à se persuader que son imagination l’avait trompé. Était-il possible qu’elle fût dans le même vaisseau que lui ? Cette pensée tirait quelque vraisemblance du caractère de Bridgenorth et des intrigues dans lesquelles il était engagé. Mais si cela était, à quel péril était-elle donc exposée, pour qu’elle l’appelât à haute voix à son secours ?

Déterminé à sortir d’une si cruelle anxiété, il s’élança de son