Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/250

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lière et si peu convenable, et comment il pourrait le faire sans compromettre la sûreté de cette jeune fille.

Les bateliers décidèrent la question : après s’être reposés un moment sur leurs rames, et avoir échangé à voix basse quelques mots en allemand ou en hollandais, ils commencèrent à ramer vigoureusement, et furent bientôt à une certaine distance du château. La possibilité que les sentinelles leur envoyassent quelques balles, et même un boulet de canon, fut encore un sujet d’inquiétude momentanée pour Peveril ; mais ils s’éloignèrent de la forteresse, comme ils s’en étaient approchés, sans qu’aucun signal, aucun cri d’alarme pût leur faire croire qu’ils avaient été aperçus ; circonstance qui, aux yeux de Julien, acheva de rendre la négligence des sentinelles impardonnable, bien que les rames fussent garnies de chiffons et que les rameurs fissent le plus grand silence.

Parvenus à une assez grande distance du château, les rameurs redoublèrent leurs efforts, afin de joindre un petit bâtiment qui paraissait dans le lointain. Peveril remarqua que les bateliers se parlaient l’un à l’autre avec l’air du doute, et jetaient des regards inquiets sur Fenella, comme s’ils eussent craint d’avoir agi inconsidérément en l’emmenant avec eux.

Après un quart-d’heure de navigation, ils abordèrent le petit sloop, dont le capitaine attendait Peveril sur le pont avec des liqueurs et des rafraîchissements. Quelques mots que lui dirent à voix basse les bateliers le détournèrent un moment de ses soins officieux, et il courut au bord du bâtiment pour empêcher Fenella d’y monter. Peveril pensait qu’on la ferait retourner à terre ; mais elle était déterminée à surmonter tous les obstacles qu’on pourrait lui opposer. Comme on avait retiré l’échelle de commandement une fois que Julien avait été à bord du vaisseau, elle saisit le bout d’une corde, s’y cramponna, et se hissa sur le navire avec la rapidité d’un matelot, ne laissant à l’équipage d’autre moyen de l’empêcher de rester à bord que la force ouverte, à laquelle sans doute on ne voulut pas recourir. Une fois sur le pont, elle prit le capitaine par la manche, et l’emmena à la proue, où ils parurent s’entretenir par signes, comme gens qui se comprennent bien l’un l’autre.

Peveril oublia bientôt la présence de la jeune muette, et se mit à réfléchir sur sa situation et sur la probabilité qu’il allait être séparé pour long-temps de l’objet de ses affections ; « Constance, »