Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/248

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de parler tant que l’esprit-chien était visible. L’un d’eux, enfin, devenu plus hardi par l’effet de l’ivresse, jura un soir qu’il saurait si cet hôte importun était décidément un esprit ou un chien véritable ; et le sabre nu il suivit le mystérieux visiteur, lorsque celui-ci se retirait par le passage ordinaire. Le soldat revint quelques minutes après, désenivré par la terreur, la bouche béante, et les cheveux hérissés. L’effroi dont il était saisi le tua, et, malheureusement pour les amateurs du merveilleux, il fut hors d’état, avant d’expirer, de raconter les horreurs dont il avait été témoin. Après ce fatal événement, on abandonna le corps-de-garde, et l’on en construisit un autre ; on établit aussi une nouvelle voie de communication avec le gouverneur ou sénéchal du château, et l’on cessa de fréquenter celle de l’église en ruine.

En dépit de la terreur que cette tradition avait entretenue dans les esprits, Fenella, suivie de Peveril, traversa hardiment les voûtes ruinées, guidée seulement au milieu de ces décombres, tantôt par la lueur incertaine de la lampe qu’elle portait, tantôt par les rayons de la lune qui pénétraient çà et là par les brèches faites aux murailles, ou par les étroites et gothiques fenêtres. En parcourant ces nombreux détours, Peveril ne pouvait s’empêcher de s’étonner de la connaissance parfaite que sa singulière compagne paraissait en avoir, et de la hardiesse avec laquelle elle s’enfonçait dans ce labyrinthe. Lui-même, bien que courageux, n’était pas assez affranchi des préjugés de son temps pour n’éprouver aucune appréhension de tomber dans le repaire de l’esprit dont il avait si souvent entendu parler ; et chaque fois que le vent soufflait parmi les ruines, il croyait entendre les aboiements du terrible chien menacer les mortels audacieux dont les pas venaient troubler le silence de son ténébreux royaume. Rien pourtant ne les interrompit dans leur marche, et au bout de quelques minutes ils arrivèrent au corps-de-garde abandonné. Les décombres de ce bâtiment servirent à les dérober à la vue des sentinelles, dont l’une à moitié endormie gardait la porte basse du château ; tandis que l’autre, assise sur les marches de pierre qui conduisaient au parapet du mur de clôture, dormait paisiblement auprès de son mousquet. Fenella fit signe à Peveril de marcher en silence et avec précaution, et lui montra, à sa grande surprise, par la fenêtre du vieux corps-de-garde, une barque avec quatre rameurs cachée au pied du rocher sur lequel le château était construit. C’était l’heure de la marée haute. Fenella,