Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/240

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le désirerais certainement, madame, répondit Peveril, si le temps et les circonstances me le permettaient. — Vous devez vous-même en être juge ; la célérité est certainement nécessaire ; cependant vous exciterez moins le doute et le soupçon, en arrivant du château de votre père à Londres, que si vous vous y rendiez directement sans faire une visite à votre famille. Au surplus, laissez-vous guider en cela, comme en tout, par votre propre sagesse. Allez, mon cher fils (car vous m’êtes aussi cher qu’un fils), allez, et disposez tout pour votre voyage. Je vais de mon côté préparer quelques dépêches, et vous donner l’argent qui vous sera nécessaire. Point d’objections à cet égard : ne suis-je pas votre mère, et ne devez-vous pas m’obéir comme un fils ? Ne me contestez donc pas le droit de pourvoir à vos dépenses. Ce n’est pas encore tout : comme je dois me fier à votre zèle et à votre prudence pour agir dans nos intérêts selon la circonstance, je vous donnerai des lettres de recommandation pour nos parents et nos amis, que je prierai et auxquels j’enjoindrai de vous accorder tous les secours dont vous pourrez avoir besoin, soit pour votre propre sûreté, soit pour la réussite de ce que vous entreprendrez en notre faveur. »

Peveril ne s’opposa pas davantage à un arrangement que la situation modeste de ses finances rendait presque indispensable, à moins qu’il ne recourût à son père. La comtesse lui remit plusieurs lettres de change tirées sur un négociant de la cité, et montant ensemble à deux cents livres sterling. Puis elle le congédia, en l’avertissant que, dans une heure, elle le ferait rappeler.

Les préparatifs de son voyage n’étaient pas de nature à le distraire des pensées qui l’assiégeaient. Il s’aperçut qu’une conversation d’une demi-heure avait de nouveau complètement changé ses projets pour l’avenir. Il venait d’offrir à la comtesse de Derby un service qu’elle avait bien mérité par sa constante affection pour lui ; mais, en l’acceptant, elle le forçait à se séparer d’Alice Bridgenorth, au moment où l’aveu mutuel de leur amour la lui rendait plus chère que jamais. Son imagination la lui représentait telle qu’il l’avait vue le matin même, dans l’instant où il la pressait sur son cœur ; il croyait entendre sa voix lui demander s’il était bien vrai qu’il pût la quitter au moment d’une crise que tout semblait annoncer comme prochaine. Mais Julien, quoique jeune, avait un profond sentiment de ses devoirs, et ne balançait jamais à les accomplir. Repoussant donc courageusement la séduisante vision qui s’offrait à lui, il prit la plume et écrivit à Alice