Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/239

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vous dicte la générosité peuvent être vrais, mais il n’y a qu’une mère, et une mère veuve qui les puisse écouter. Je vais, dans mon égoïsme, jusqu’à me dire que ma cousine, à tout événement, peut compter sur la protection d’un mari dévoué. Tels sont les arguments de l’intérêt personnel, auquel nous ne rougissons pas de soumettre nos sentiments les plus louables. — Ne parlez pas ainsi, madame ; ne me regardez que comme le frère cadet du comte. Vous avez toujours rempli à mon égard les devoirs d’une mère, et vous avez droit à ma reconnaissance filiale, à mes services, fallût-il courir un risque dix fois plus grand que celui d’un voyage à Londres. Je vais donc partir sur-le-champ, et je cours en prévenir le comte. — Un instant, Julien, s’écria la comtesse ; si vous devez entreprendre ce voyage pour nous (et je ne me sens point, hélas ! assez de générosité pour refuser votre noble proposition), il faut que vous partiez seul, sans en informer Derby. Je le connais : la légèreté de son esprit ne s’allie point au vil égoïsme ; et, pour le monde entier, il ne souffrirait pas que vous quittassiez l’île sans lui. S’il partait avec vous, votre dévouement serait inutile, vous ne feriez que partager sa ruine : de même qu’un nageur, en cherchant à sauver un homme qui se noie, est entraîné lui-même à sa perte, si le malheureux qu’il veut secourir le saisit et s’accroche à lui. — Je ferai ce qu’il vous plaira, madame ; mais je serai prêt à partir dans une demi-heure. — Cette nuit donc, » dit la comtesse après un instant de silence ; « cette nuit, je prendrai des mesures secrètes pour que vous mettiez à exécution votre généreux projet sans qu’il puisse en résulter rien de fâcheux pour vous ; car je veux prévenir les soupçons qui ne manqueraient pas de s’élever aussitôt contre vous, si l’on apprenait que vous avez quitté cette île et sa souveraine papiste, à une heure aussi indue. Vous ferez peut-être bien de prendre à Londres un nom supposé. — Pardonnez-moi, madame, mais je ne ferai rien qui puisse attirer l’attention sur moi sans nécessité. Prendre un nom supposé, ou recourir à tout autre déguisement, au lieu de vivre d’une manière extrêmement retirée, serait, je crois, une conduite aussi imprudente que peu digne de moi ; car il me serait peut-être difficile de lui attribuer un motif raisonnable, propre à justifier la pureté de mes intentions, si j’y étais forcé. — Je crois que vous avez raison, » répondit la comtesse après un moment de réflexion. « Vous vous proposez sans doute de passer par le Derbyshire, et de faire une visite au château de Martindale ? — Je