Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/238

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partisans et des compagnons. Dédaignant les vieux amis de sa maison, parce que leur gravité cérémonieuse contraste avec la frivolité du siècle, il n’a recherché que le versatile Shaftersbury, le léger Buckingham, gens qui n’hésiteraient pas à tout sacrifier à la divinité populaire du jour, si un tel sacrifice pouvait leur rendre la divinité propice. Pardonnez les larmes d’une mère, mon jeune cousin, mais je vois de nouveau l’échafaud s’élever à Bolton. Si Derby va à Londres, tandis que ces limiers altérés de sang sont à la recherche de leur proie, suspect comme il est, et comme je l’ai rendu par ma foi religieuse et par ma conduite dans cette île, il mourra de la mort de son père. Et cependant, quel autre parti prendre ? — Souffrez que je parte pour Londres, madame, » dit Peveril ému du trouble de sa protectrice. « Vous avez daigné quelquefois compter sur mon jugement. J’agirai pour le mieux, je me concerterai avec ceux que vous me désignerez, avec eux seulement ; et j’ose me flatter que bientôt je vous apprendrai que cette illusion, quelque forte qu’elle puisse être, est sur le point de se dissiper. Si l’état des choses devient pire, je vous avertirai du danger qui pourrait menacer ou le comte ou vous-même, et peut-être serai-je assez heureux pour vous indiquer les moyens de le détourner. »

La comtesse l’écoutait avec une expression indiquant combien son anxiété maternelle, qui la disposait à accepter l’offre généreuse de Julien, luttait contre le noble désintéressement de son cœur.

« Pensez à ce que vous demandez, Julien, » répondit-elle avec un soupir ; « puis-je exposer la vie du fils de mon amie à des périls que je redoute pour le mien ? Non jamais ! — Mais, madame, répliqua Julien, je ne cours pas les mêmes risques ; je suis inconnu à Londres ; mon rang, quoiqu’il ne soit pas obscur dans mon pays, est ailleurs trop ignoré pour qu’il me fasse remarquer dans le vaste assemblage de ce que la capitale offre de plus noble et de plus riche ; je ne crois pas que mon nom ait été prononcé même indirectement par les conspirateurs prétendus : de plus, je suis protestant, et l’on ne peut m’accuser d’aucune relation directe ou indirecte avec l’Église de Rome. Je n’ai de liaison qu’avec les gens qui, s’ils ne veulent ou s’ils ne peuvent me servir d’appui, ne sauraient du moins être dangereux pour moi. En un mot je n’ai rien à craindre là ou le comte aurait, lui, de grands périls à redouter. — Hélas ! dit la comtesse, tous ces raisonnements que